EXCLUSIF TF1 - Fuites, eaux usées, Ecowatt… le bilan du "Plan Eau", six mois après

Publié le 5 octobre 2023 à 7h30, mis à jour le 5 octobre 2023 à 7h41

Source : JT 20h Semaine

Le gouvernement publie ce jeudi un point d’étape sur l’état d’avancée des 53 mesures annoncées en mars dernier par Emmanuel Macron pour améliorer la gestion de l’eau en France.
Selon ce document, que nous avons pu consulter, 25% des actions ont été réalisées sur les six derniers mois.
Mais certaines tardent à se concrétiser, comme l’aide promise aux 170 communes pour rénover leurs réseaux d’eau.

C’est depuis le lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, qu’Emmanuel Macron avait annoncé en mars dernier les grandes lignes d’un "plan de sobriété sur l'eau", après un été 2022 marqué par la sécheresse. Objectif : atteindre au moins 10% d'économies d'eau d'ici à 2030 ; en dotant notamment les agences de l'eau d'un budget annuel supplémentaire de 475 millions d'euros (en sus de leur budget annuel de 2,2 millions d'euros). 

Six mois après, un premier bilan va être publié jeudi par le ministère de la Transition écologique. Selon ce document que nous avons pu consulter, 25% des actions ont été réalisées : 12 sont "terminées", 31 sont "initiées ou en cours" et 10 autres "restent à démarrer". Des gros chantiers restent à concrétiser. Voici ce qu'il en est.

Pour les particuliers

Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place d'un "EcoWatt de l'eau" sur le modèle de l'instrument mis en place pour réduire la consommation d'électricité pendant l'hiver. Cet outil devait être déployé en mai 2023 et permettre aux Français de connaitre le niveau de consommation, les restrictions locales et les gestes adaptés.

Le 11 juillet, le gouvernement a finalement lancé VigiEau, qui permet aux internautes de s'informer sur les restrictions en vigueur dans leur département mais qui est moins précis qu'EcoWatt sur la consommation. Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, 1.100.000 personnes ont visité ce site depuis l'été.

Toujours pour les particuliers, le Président avait dit vouloir généraliser la "tarification progressive" de l'eau, expérimentée dans certains territoires depuis 2017. Le principe est simple : au-delà d'un certain volume de base, le tarif augmente pour dissuader les usages excessifs. Un système mis en place dans l'agglomération de Montpellier depuis le début de l'année. 

Six mois après, ce dossier n'a pas beaucoup avancé : seul le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par Elisabeth Borne le 12 septembre dernier d'une mission pour faire des recommandations en la matière. Enfin, il faudra attendre l'année prochaine pour récupérer des kits hydro-économes et des récupérateurs d'eau de pluie dans les territoires en tension.

Pour les communes

Emmanuel Macron avait annoncé la mobilisation de 180 millions d'euros par an pour résorber "en urgence" les fuites d'eau en France dans les endroits les plus sensibles. Une liste de 170 communes où réparer en priorité avait été établie, principalement situées dans l'est ou dans le sud de la France. "Nous allons travailler avec l'ensemble des maires qui ont la compétence de l'eau pour faire le maximum avant l'été et accélérer ces travaux, avec ces 180 millions d'euros supplémentaires qui vont, là aussi, nous permettre de répondre à l'urgence", avait notamment déclaré le président de la République.

Six mois après, la majorité des communes est toujours dans l'attente ; hors travaux ou études déjà en cours ou prévus. Ainsi, Christophe Rivenq, président d'Alès Agglomération, dit n'avoir eu aucune nouvelle de l'agence de l'eau dont il dépend pour avancer sur ce dossier. 

Du côté du ministère, on indique que 62 millions d'euros ont été dépensés en 2023 sur ce volet dans le cadre du budget normal des agences de l'eau et que l'enveloppe de 180 millions d'euros supplémentaires sera débloquée l'année prochaine. Le bilan à six mois évoque aussi "400 opérations" sur le territoire ; essentiellement des études.

Deux facteurs rendent notamment caduque la promesse d'Emmanuel Macron de "faire le maximum avant l'été" : ce sont des travaux de moyen terme qui nécessitent des études préalables et des attributions de marchés publics chronophages ; la multitude des interlocuteurs locaux sur ce sujet pour les agences de l'eau. "Remonter le rendement de ces communes qui est de 50% aujourd'hui à 60 ou 70%, c'est faisable en deux ou trois ans, mais il ne faut pas trainer", observe Régis Taisne, de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies qui accompagne ses adhérents sur les questions de l'eau.

Selon l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement et de l'Office de la biodiversité, plus de 937 millions de mètres cubes d'eau ont été perdus sur l'année 2020 en raison des fuites, soit "l'équivalent de la consommation annuelle d'environ 18 millions d'habitants". 

Pour les eaux non conventionnelles

Sur ce sujet, la France est en retard, avec seulement 1% du volume total qui sort des stations réutilisé, quand Israël est à 90%, l'Espagne à 12% et l'Italie à 8%. Le plan vise à déployer 1000 projets de valorisation des eaux non conventionnelles sur l'ensemble du territoire d'ici à 2027. Sur ceux-ci, 419 projets ont d'ores et déjà été identifiés par le ministère : 136 sont en service, 88 en cours d'instruction et 200 à l'étude.

Des évolutions réglementaires, par décret, doivent permettre d'accélérer dans les mois qui viennent le recours aux eaux usées. D'autres textes réglementaires doivent être publiés d'ici à la fin de l'année pour préciser l'usage domestique des eaux non conventionnelles et un volet pour leur usage dans l'industrie agro-alimentaire. 

En 2024, est aussi prévue la généralisation de la récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles ; dont les bâtiments d'élevage pour l'abreuvement des animaux.

Pour les industriels

L'industrie n'est pas le secteur le plus consommateur d'eau : il représente 8% des prélèvements et 4% de la consommation en eau du pays ; mais certains sites sont très consommateurs.

Une première liste de 13 sites industriels - sur 50 identifiés prioritairement qui représentent 23% des prélèvements et des consommations d'eau douce - accompagnés par l'État pour réduire significativement la quantité d'eau prélevée pour leur fonctionnement a été présentée le 21 août dernier. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie, doit détailler les autres courant octobre. 

Ces sites ont été identifiés sur trois critères : une consommation d'eau très élevée, une situation dans une zone en tension hydrique ; et un potentiel important de réduction de la consommation d'eau. Côté bilan, quatre filières présenteront leur plan de sobriété courant octobre : chimie et matériaux, mines et métallurgie, bois, industries électroniques ; et 15 autres doivent rendre leur copie avant la fin de l'année.

Pour les agriculteurs

L'agriculture est la première activité consommatrice d'eau avec 58% du total, devant l'eau potable (26%), le refroidissement des centrales électriques (12%), et les usages industriels (4%), sur les 4,1 milliards de mètres cubes prélevés chaque année sans être rendus aux milieux aquatiques.

Sur ce sujet, la plupart des actions sont prévues l'année prochaine : 30 millions d'euros supplémentaires par an seront par exemple consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau ; ou encore l'entrée en vigueur d'une nouvelle stratégie sur l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Dans ce volet sensible, figure le sujet des stockages artificiels d'eau pour les agriculteurs, dont Emmanuel Macron avait défendu l'utilité en mars dernier. Il s'agit de retenues ou bassines qui pompent durant l'hiver l'eau des nappes phréatiques afin que les agriculteurs puissent arroser leurs cultures l'été.  Une centaine de projets sont à l'étude sur le territoire, dont celui controversé de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres.

Le chef de l'État avait toutefois demandé que les prochaines retenues prennent mieux en compte la raréfaction de l'eau liée au changement climatique, et qu'elles soient conditionnées à des "changements de pratiques significatifs", à commencer par des économies d'eau et une réduction de l'usage des pesticides par les agriculteurs.

Mardi, deux projets de retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole en Poitou-Charentes ont été annulés par la justice administrative qui a pointé leur inadaptation aux effets du changement climatique. Ces projets visaient à créer 15 réserves dites de substitution d'une capacité totale d'environ trois millions de mètres cubes. La préfecture de la Vienne a indiqué son intention de faire appel. 


Marianne ENAULT

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