VIDÉO - Transformé en béton ou en engrais, le biochar, une solution pour stocker le CO2 ?

par La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : T. Leproux, L. Lassalle, A. Ponsar
Publié le 12 décembre 2023 à 12h52

Source : JT 20h Semaine

En début de semaine, Emmanuel Macron a annoncé que la France allait investir plusieurs milliards d'euros pour développer des technologies de captage et de stockage du CO2.
L'une des plus prometteuses s'appelle le biochar.
De quoi s'agit-il ? Le 20H de TF1 vous en dit plus.

En banlieue de Lyon, à Villeurbanne (Rhône) le chantier où le 20H de TF1 s'est rendu, dans le reportage visible en tête de cet article, semble classique : des ouvriers qui s'affairent, des machines bruyantes et du béton à couler. Quoique le béton a une caractéristique : "Il est noir et il va le rester à l'état solide", présente Laurent Legay, directeur marchés et offres au sein de l'entreprise Vicat. La raison tient à une mystérieuse poudre incorporée au ciment : du biochar. "C'est du charbon végétal qui est produit industriellement et est très concentré en carbone", poursuit Laurent Legay.

Le biochar emprisonne, dans ses micrograins, du CO2, le principal gaz à effet de serre. Le groupe Vicat remplace donc une partie de son ciment, très polluant, par du biochar. "Ce béton va émettre 10 fois moins de CO2 pendant l'ensemble de sa durée de vie qu'un béton traditionnel grâce au biochar", développe notre interlocuteur.

Tout cela est encore à l'état expérimental. Mais à l'avenir, cela pourrait être une solution pour réduire les émissions très importantes du secteur du bâtiment. Ces derniers temps, industriels et scientifiques ont donc les yeux rivés sur ce biochar, super stockeur de CO2. Mais d'où lui vient ce pouvoir ?

On cuit sans oxygène, sans flamme, donc pas de dioxyde de carbone.
Camille Benghozi, ingénieure à Circular Carbon

En France, le marché est encore émergent, mais en Europe, les Allemands sont en avance sur la question. Ainsi, à Hambourg, se trouve l'une des plus grandes usines de production du Vieux continent. Pour produire du biochar, n'importe quel déchet végétal fait l'affaire. "On a des coques de fèves de cacao. C'est un déchet alimentaire qu'on récupère d'une chocolaterie juste à côté", présente Camille Benghozi, ingénieure à Circular Carbon.

Ces résidus vont ensuite être envoyés dans un four. Chauffés à 650 degrés, ils vont cuire sans brûler, c'est ce qu'on appelle la pyrolyse. "On cuit un peu à l'étouffée, donc sans oxygène, et on n'a pas de flamme, donc pas de dioxyde de carbone qui se crée", poursuit l'experte.

Jusqu'à 6% des émissions mondiales de CO2 pourraient être stockées

Si elles s'étaient décomposées normalement, les coques de cacao auraient émis du CO2 dans l'atmosphère. En les cuisant dans la pyrolyse, ce gaz restera emprisonné à l'intérieur. "Pour une tonne de biochar, on capture entre 2,2 et 3 tonnes de CO2 pendant des centaines, des milliers, voire des millions d'années, selon les dernières recherches", précise de son côté Virginie Maréchal, responsable qualité au sein de l'entreprise.

Avec ses 3000 tonnes de biochar produites chaque année, Circular Carbon piège près de 8000 tonnes de CO2. "Le potentiel est incroyable. Si tous les pays se mettaient à valoriser ainsi leurs déchets agricoles, cela pourrait représenter 3 milliards de tonnes de CO2 stockées", soit 6% des émissions mondiales, affirme Peik Stenlund, co-fondateur et directeur de la compagnie allemande. 

Plusieurs barrières restent à franchir

Les climatologues du Giec reconnaissent même la production du biochar comme une technologie indispensable pour tenter de limiter le réchauffement climatique. Mais c'est à quelques conditions. "Pour avoir vraiment un effet sur le changement climatique, il faudrait avoir des quantités de résidus qui sont très très importantes. Ce qui veut dire qu'il faudra être sûr qu'on n'a pas besoin de ces résidus de récoltes agricoles pour d'autres usages", souligne Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE).

Car beaucoup de déchets agricoles servent par exemple de paillage pour nourrir les terres. Le biochar pourrait-il, lui aussi, agir comme fertilisant ? 

À 60 kilomètres de Hambourg, c'est ce que cherche à vérifier une entreprise spécialisée dans les engrais. Ils mettent à l'épreuve le biochar de l'usine visitée précédemment. "Là, vous avez des graines de colza mélangées au biochar. L'idée est de comparer la croissance des plantes entre une parcelle avec le biochar et une autre sans", explique Malena Rohwer, responsable développement chez Schierbecker Hohenlockstedt.

En trois mois, les résultats sont prometteurs : "Les plantes qui ont bénéficié du biochar sont plus développées, plus longues. Les feuilles aussi sont plus grandes. En fait, le biochar agit comme une éponge et on se rend compte qu'il permet à la plante de mieux absorber l'eau et les nutriments. Il rend la qualité du sol meilleure."

Pour le moment, les études scientifiques restent malgré tout insuffisantes pour décider de le répandre à grande échelle. D'autant qu'une barrière de taille reste à lever : le prix. En Europe, le biochar se vend jusqu'à 1000 euros la tonne, trop cher pour un agriculteur.


La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : T. Leproux, L. Lassalle, A. Ponsar

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