Peut-on encore louer un appartement dans une grande ville ?

Publié le 28 septembre 2023 à 17h38

Source : JT 20h WE

Avec des loyers en forte hausse et de moins en moins de biens à louer, les tensions continuent de secouer le marché locatif.
En cause, la brutale hausse des taux immobiliers qui empêchent les primo-accédants de libérer leur location.
Les passoires énergétiques devenant progressivement impossibles à louer n’arrangent rien.

Une pénurie d’appartements à louer touche la France entière. Depuis janvier 2022, d'après des chiffres d'une étude du spécialiste de la location immobilière Seloger, le marché immobilier enregistre une baisse de 18 % de biens disponibles à la location. Avec une chute de 23 %, le phénomène s’accentue davantage dans les grandes villes : -43 % à Rennes en 1 an, -38 % à Paris, -33 % à Nice.

En l’occurrence, louer un logement devient un vrai parcours du combattant. Sur les marchés immobiliers de la capitale bretonne, par exemple, plus de dix personnes se disputent un même appartement en moyenne. Situation identique à Lyon. Étudiants, professionnels mutés, personnes seules ou en famille ne parviennent plus à trouver un toit. L’offre se réduit tandis que l’attractivité de ces grandes villes fait toujours gonfler la demande, notamment sur le pourtour méditerranéen, à Strasbourg ou Bordeaux. À Paris, certaines agences immobilières ont divisé le nombre d’appartements à louer encore dans leur escarcelle par cinq.

La raison, beaucoup de ménages ne libèrent plus leurs biens. Barbara Castillo Rico, Responsable des études économiques pour SeLoger, fait le lien entre le marché de l’achat et de la location : "La hausse brutale et historique des taux d’intérêt contraint beaucoup de primo-accédants à renoncer à leur projet d’achat. Résultats, les maisons ou appartements qu’ils louent ne reviennent pas sur le marché. Les nouveaux arrivants accroissent la tension locative alors même que la demande se concentre déjà fortement dans les métropoles. Là même où l’accession à la propriété se durcit de plus en plus."

Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, a annoncé ce mercredi vouloir retarder l’interdiction de la location des passoires énergétiques classées G, prévue initialement en janvier 2025. L’économiste spécialiste de l’immobilier ne croit pas au succès de cette initiative : "La baisse de l’offre d’appartements à louer ne provient pas uniquement de ceux qui sont pénalisés par de mauvais diagnostics de performance énergétique (DPE). Ce phénomène joue à la marge, le problème touche toutes les lettres. Réautoriser ces locations soulagera un peu le marché sans réduire la pénurie globale."

Forte augmentation des loyers

Conséquence, les loyers augmentent partout. +3,2 % en moyenne en 1 an dans les 10 plus grandes villes de France. À Nice, ils flambent de 6 %, +5 % à Marseille, +4,6 % à Strasbourg ou encore +3,6 % à Toulouse. Le plafonnement de la hausse des loyers pour les baux en cours, à +3,5 % jusqu'au 1ᵉʳ trimestre de 2024, ne fait pas peur aux bailleurs. L’encadrement des loyers, imposé notamment à Paris, Lille, Lyon ou Montpellier, n’a pas plus d’effet. Pas une surprise pour Barbara Castillo Rico : "Moins il y a de stock, plus les loyers augmentent. Les villes aux loyers encadrés arrivent à limiter les hausses (+2,7 % à Paris ou 2,5 % sur 1 an à Lyon par exemple). Mais cette hausse accélère. Après la mise en place des mesures, les loyers ont baissé avant de repartir à la hausse. Les bailleurs se rendent compte qu’il n’y a pas de contrôle."

Les locations saisonnières empêchent également les locataires de longue durée de trouver leur cocon. C’est particulièrement le cas dans les stations balnéaires de la côte basque ou de la Côte d’Azur. "À la fin de la pandémie de Covid-19, beaucoup de propriétaires ont cessé de louer leur logement sur Airbnb et ont basculé sur des locations à long terme. Ces nouveaux logements ont fait baisser le prix des loyers, mais petit à petit, de nouveaux locataires ont écoulé le stock et les loyers ont repris leur ascension."

Nice reste un cas particulier. Les prix de l’immobilier continuent à progresser tant pour l’achat (+7,9 % en 1 an) que sur la location. La clientèle, plus aisée, demeure moins sensible aux hausses de taux. La ville présente ainsi un loyer moyen parmi les plus élevés de France, à 18,90 € par mètre carré. "Rien ne laisse présager une amélioration de l’état de pénurie et de hausse des loyers pour le marché locatif dans les prochains mois", conclut Barbara Castillo Rico. Pour elle, seule une baisse des taux d’intérêts immobiliers retournera le marché.


Geoffrey LOPES

Tout
TF1 Info