Attentat à Moscou : qu'est-ce que l'EI-K, le groupe vers lequel les soupçons se portent ?

par Julien CHABROUT (avec AFP)
Publié le 23 mars 2024 à 15h29

Source : TF1 Info

Le groupe État islamique revendique l'attaque meurtrière de Moscou, sans donner de précisions sur ses auteurs.
La branche afghane de l'EI, le groupe "État islamique au Khorasan" (EI-K), est suspectée d'être derrière la fusillade.
Ce groupe a démontré sa volonté et sa capacité à frapper à l'extérieur du territoire afghan.

C’est un groupe djihadiste dont la force de frappe ne cesse d'inquiéter. Son nom ? L’État islamique au Khorasan (EI-K). La branche afghane du groupe État islamique (EI) figure à la première place des organisations suspectées de l’attentat commis vendredi à Moscou dans une salle de concert. Vendredi soir, l’EI a revendiqué cette attaque meurtrière, affirmant ce samedi que quatre de ses combattants ont mené l'assaut, mais sans donner de précision sur ses auteurs. 

L’État islamique au Khorasan pourrait avoir préparé et mis en oeuvre cette attaque, selon des experts du terrorisme mondial. Hans-Jakob Schindler, directeur de l'ONG Counter Extremism project (CEP) et ancien expert des Nations unies sur le terrorisme, indique que l'EI-K a été créé en Afghanistan par des émissaires de l'EI venus d'Irak et de Syrie. "Ils ont des liens très étroits avec la centrale, bien plus que les autres filiales" du groupe dans le monde, et obtiennent les fonds dont ils ont besoin, assure-t-il à l'AFP.  

Ce groupe - Khorasan désignant le nom médiéval de l'Afghanistan - compte parmi ses membres de nombreux transfuges du mouvement au pouvoir en Afghanistan. Alors que les talibans peinaient à prendre leurs marques à Kaboul, reconquise en août 2021, ils étaient déjà frappés par un attentat sanglant signé par l'EI-K. 

Un groupe tourné vers l'international

Cette branche de l’EI n’est pas seulement tournée sur l’Afghanistan. "L'EI-K s'est imposé comme la branche de l'EI la plus tournée vers l'international. Il a produit de la propagande dans plus de langues que n'importe quelle autre filiale depuis l'apogée du califat (autoproclamé) en Irak en Syrie", relève auprès de l’AFP Lucas Webber, cofondateur du site spécialisé Militant Wire. "Cette vision internationale inclut une campagne ambitieuse et agressive pour renforcer ses capacités opérationnelles extérieures et frapper ses différents ennemis à l'étranger."

L'EI-K est depuis longtemps dans le viseur des polices et services de renseignement occidentaux mais aussi russes. Le 7 mars dernier, les autorités russes ont affirmé avoir tué des membres présumés de l'EI-K lors d'une opération dans la région de Kalouga, au sud-ouest de Moscou, les accusant d'avoir préparé un attentat contre une synagogue de la capitale. Le Kazakhstan a confirmé la mort de deux de ses citoyens dans l'opération.

La Russie est devenue une cible privilégiée de l'EI-K, qui l'a notamment critiquée pour son invasion de l'Ukraine et ses interventions militaires en Afrique et en Syrie, explique à l’AFP Lucas Webber. Il rappelle l'attentat-suicide contre l'ambassade de Russie en Afghanistan en 2022. Il souligne en outre que le groupe "travaille à son expansion à travers l'Asie centrale et la Russie", avec même "un média en langue russe pour renforcer ses soutiens et inciter à la violence dans le pays". Claude Moniquet, spécialiste en renseignement et terrorisme, indique lui aussi, auprès de TF1, que l’EI-K "tente de s'infiltrer et de s'implanter davantage en Asie centrale."

"C'est un gros symbole"

Hans-Jakob Schindler souligne pour sa part que Moscou, préoccupée par sa guerre en Ukraine, est une cible de choix pour l’Etat islamique au Khorasan. "C'est un gros symbole", estime-t-il, ajoutant qu'une attaque de l'envergure de celle perpétrée vendredi n'est ni très chère, ni très complexe à organiser.

"Difficile de surestimer l'importance de l'attaque de Moscou pour l'EI et ce qu'elle signifie pour son évolution", écrit de son côté sur le réseau social X Tore Hamming, du Centre international pour l'étude de la radicalisation (ICSR). L'EI "travaille depuis 2019 pour rétablir une unité institutionnelle chargée des opérations extérieures. D'abord en Turquie puis en Afghanistan avec des acteurs venus d'Asie centrale", ajoute-t-il. "Il semble qu'ils y parviennent. Avec l'Afghanistan et l'Asie centrale comme plateforme pour frapper la Russie et l'Asie et la Turquie comme portail vers l'Europe."

La branche afghane de l’EI tente de commettre des attaques en Europe occidentale. Les autorités allemandes ont arrêté mardi dernier deux djihadistes afghans présumés, soupçonnés d'avoir préparé un attentat près du Parlement suédois, dans un contexte de menace terroriste élevée dans le pays scandinave après les autodafés de Coran. L'un d'eux aurait rejoint l'EI-K depuis l'Allemagne. Plusieurs réseaux ont été démantelés auparavant en Europe, notamment un premier réseau russo-tadjik en Allemagne en 2020. D'autres ont subi le même sort en 2022 et 2023. 


Julien CHABROUT (avec AFP)

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