Couverture des attaques du Hamas : visée, l’AFP redit "toute sa confiance" envers ses journalistes de Gaza

Publié le 10 novembre 2023 à 18h31, mis à jour le 10 novembre 2023 à 18h44

Source : TF1 Info

Au même titre que d’autres agences de presse, l’AFP est accusée d’avoir cautionné les attaques du Hamas en laissant ses journalistes suivre les terroristes.
L’AFP se défend et garantit le professionnalisme de ses photographes basés à Gaza, qui n’auraient jamais passé la frontière.

Un mois après les attaques du Hamas dans le sud d’Israël, la déontologie de l’Agence France Presse est remise en question à son tour. L’agence aurait toléré que l’un de ses journalistes suive les commandos terroristes ce matin-là, jusqu’à franchir la frontière et se rendre en Israël. "Que fait votre photographe avec les terroristes du Hamas et du Jihad Islamique le 7/10 alors qu’ils ‘se dirigent vers la clôture frontalière avec Israël’ et s'apprêtent à tuer 1400 personnes dont 40 Français ? Étiez-vous au courant en avance ?", a interrogé Jean-Claude Brisard, président du Centre d'Analyse du Terrorisme, dans un tweet. 

Une accusation dans le sillage de celles à l'encontre d'Associated Press et de Reuters, qui collaborent à Gaza avec des photographes indépendants. 

Des photographes "aguerris" à Gaza

Le 8 novembre, l’ONG HonestReporting a reproché à plusieurs photographes d’avoir accompagné le mouvement terroriste et d’avoir même cautionné ses actes. Pire, d’avoir été au courant de l’opération "Déluge Al Aqsa" avant qu’elle n’ait lieu. Ce qui n’est pas prouvé à l’heure actuelle, comme nous l’avons expliqué ici en détail. 

Cette fois, ce sont plusieurs clichés de l’AFP qui sont mis en cause. À vue d’œil, il ne parait pas possible de dire de quel côté de la frontière le photographe se trouve : côté palestinien, ou bien israélien ? Dans la banque d’images de l’AFP destinée aux rédactions, on peut retrouver facilement la trace du travail effectué ce jour-là par les journalistes de l’agence.

Un commando du Hamas rentre dans la bande de Gaza, le 7 octobre. Ici, en territoire palestinien
Un commando du Hamas rentre dans la bande de Gaza, le 7 octobre. Ici, en territoire palestinien - SAID KHATIB / AFP

Une photo des hommes masqués du Hamas sur un camion blanc indique "territoires palestiniens" en localisation et est signée Said Khatib, l’un des photographes permanents de l’AFP à Gaza. Une autre, signée simplement AFP, montre des terroristes du Hamas enlever une femme israélienne sur une moto. Au fond, un journaliste clairement identifié avec un gilet pare-balles "presse". Elle aussi se situe côté palestinien, d’après la légende.

Trois autres clichés mentionnent en revanche "Israël" comme position géographique et montrent toutes des Palestiniens se réjouir devant un char israélien en feu. Une barrière est visible à droite. Elles sont signées par Said Khatib et leur légende indique : "des Palestiniens prennent le contrôle d'un char de combat israélien Merkava après avoir traversé la barrière frontalière avec Israël depuis Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023". Une scène qui correspond à celle prise par Hassan Eslaiah, un photographe indépendant aussi accusé d’avoir suivi le Hamas de trop près.

Un char israélien brûle, devant lequel posent des Palestinien. Une photo située côté israélien, d'après la légende de l'AFP
Un char israélien brûle, devant lequel posent des Palestinien. Une photo située côté israélien, d'après la légende de l'AFP - SAID KHATIB / AFP

Accusée, l’AFP s’est défendue publiquement, comme ont pu le faire Associated Press et Reuters. Dans un communiqué, elle "réitère toute sa confiance envers ses collègues à Gaza", puis explique que "trois photographes installés à Gaza, travaillant de façon permanente depuis plus de vingt ans pour l’AFP, (…) ont été réveillés par des tirs d’artillerie et de roquettes, et ils se sont rendus alors à proximité de la barrière entre Gaza et Israël. Chacun était identifié clairement comme journaliste, sur leur casque et leur gilet pare-balles". 

Tout comme les photographes palestiniens indépendants visés, il n’existe aucun élément prouvant que l’AFP a été informée de la nature d’une quelconque opération le 7 octobre. Couvrir les événements n’induit pas de cautionner, ni d’avoir été avertis des attaques avant qu’elles ne se produisent. L’agence ajoute d’ailleurs que "les premières photos à proximité de la barrière de Gaza ont été réalisées plus d’une heure après le début de l’attaque".

Mais alors comment expliquer que trois clichés soient localisés en Israël, si aucun photographe de l’agence ne s’y trouvait ? L’AFP précise à TF1info que ses trois photographes se trouvaient en réalité "dans le no mans land situé entre Israël et Gaza" et assure qu’aucun d’entre n’en est sorti. L’agence dit totalement assumer ses choix éditoriaux ce jour-là en raison de "l’actualité" et défend des journalistes "aguerris", tout en dénonçant "un dénigrement du travail des journalistes palestiniens". 

Ce n’est pas la première fois que l’AFP est attaquée pour son traitement du conflit. Critiquée par une partie de l’extrême droite pour son refus d'utiliser le mot "terroriste" à l’endroit du Hamas, l’agence a simplement rappelé sa ligne éditoriale sur le sujet : "Conformément à sa mission de rapporter les faits sans porter de jugement, l’AFP ne qualifie pas des mouvements, groupes ou individus de terroristes sans attribuer directement l’utilisation de ce mot ou sans utiliser des guillemets". Une position valant aussi bien, du point de vue de l'AFP, pour le Hamas que pour l’État islamique. 


Caroline QUEVRAIN

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