Pourquoi la France a-t-elle cédé une partie de son territoire à Andorre ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 15 septembre 2019 à 21h41, mis à jour le 16 septembre 2019 à 8h10

Source : JT 13h Semaine

À LA LOUPE – Des bornes établissant la nouvelle frontière avec Andorre, qui attribue à la principauté 24 hectares de la commune de Porta (Pyrénées-Orientales), ont été posées pendant l'été. Mais pourquoi la France a-t-elle cédé une partie de son territoire ?

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la France a bien été amputée d'une partie de son territoire au profit de la principauté d'Andorre pendant l'été. Durant l'été, 24 hectares ont changé de souveraineté suite à l'implantation d'un bornage matérialisant la nouvelle frontière. A La Loupe fait le point sur ce conflit au cœur des Pyrénées. 

De quoi parle-t-on ?

Quelle ne fut pas la surprise de Marius Hugon, maire de Porta dans les Pyrénées-Orientales lorsqu'il découvre qu'un bornage matérialisant la frontière franco-andorrane retire 24 hectares du territoire de sa commune. Contrairement à la promesse que lui avait fait le préfet en 2017, l'élu n'a pas été prévenu et les plots de granit ont visiblement été installés cet été en toute discrétion. 

Comme le montre le maire aux équipes de TF1, le nouveau tracé attribue désormais à Andorre le versant d'une montagne où la rivière de l'Ariège prend sa source. Autre changement, l'étang des Abeillettes se retrouve divisé en deux alors qu'il était entièrement sous souveraineté française auparavant. Pourtant, le cadastre de la commune de Porta atteste de son autorité sur cette partie des Pyrénées depuis l'époque napoléonienne. 

Pourquoi une telle décision ?

Il faut remonter en 2012 pour comprendre cette incroyable histoire. Le 6 mars 2012, la Principauté d'Andorre et la France signent à Paris deux accords bilatéraux, l'un portant délimitation de la frontière et l'autre sur "la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l'Ariège". Jusqu'à présent, la frontière avec Andorre n'était pas matérialisée et elle est établie de façon coutumière. "Désireux de délimiter leur frontière commune, dans un esprit d'amitié et de bon voisinage, et dans le respect des principes pertinents du droit international", les deux Etats entendent ainsi éclaircir la situation de manière définitive. Un processus engagé depuis un traité signé en l'an 2000. 

Les deux accords sur la frontière et la gestion de l'eau ont été approuvés par le Sénat en décembre 2014, puis par l'Assemblée nationale l'année suivante en juin 2015. Chose surprenante, si ces projets de loi ont bien sûr faits l'objet de discussions en commission, ils ont été directement soumis au vote en séance plénière sans que les sénateurs ou députés ne prennent la parole. Toutefois, lorsque les députés ont adopté le projet de loi approuvé le traité de l'an 2000, ces derniers ont demandé en commission à ce que "la délimitation ne soit pas l'occasion de concessions à la Principauté en ce qui concerne ces trente hectares [parcelle située sur la commune de Porta, NDLR] Le Gouvernement devrait apporter des engagements à la commune de Porta et à ses habitants sur ce point." Des vœux qui ne seront donc jamais respectés. 

L'accès à l'eau potable en question

Ce nouveau tracé de la frontière est connu depuis un décret de mars 2015 au sein duquel l'ensemble des coordonnées géographiques sont précisées. Comme l'explique le maire de Porta, le nouveau bornage confirme le passage de la frontière au milieu de l'étang des Abeillettes et la cession du versant où naît la rivière de l'Ariège, un endroit stratégique pour l'approvisionnement en eau.  

Un conflit qui n'est pas récent. France Bleu Roussillon rapporte qu'en 1988, les autorités d'Andorre s'étaient emparées de la source de l'Ariège pourtant située à Porta, en territoire français. "Une action commando avait été montée par le maire. Avec plusieurs conseillers municipaux, il s'était rendu personnellement sur place pour couper la vanne à la sortie de la prise d'eau." Alors que la police d'Andorre a tenté de les en empêcher, "des coups de feu en l'air avaient été tirés". Finalement, les gendarmes de la sous-préfecture de Prades ont dû intervenir pour apaiser la situation. La matérialisation de la frontière met donc un terme aux tensions entre les deux pays. 

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Cédric STANGHELLINI

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