VIDÉO - "On s'est payé ma tête" : le témoignage de victimes d'injections illégales de botox

par A. LG | Reportage : Maurine Bajac, Lucas Lassalle et Marie Belot
Publié le 20 juillet 2023 à 21h28, mis à jour le 21 juillet 2023 à 9h19

Source : TF1 Info

Les injections illégales pouvant causer des complications parfois irréversibles se multiplient.
Deux sœurs seront jugées en août pour s’être livrées à cette pratique en se faisant passer pour médecins.
Certaines de leurs victimes, recrutées sur les réseaux sociaux, témoignent pour TF1.

"C'est raté". En plus de se considérer "défigurée", Alicia, victime d'injections clandestines d’acide hyaluronique, redoute des complications sur le plan médical. "Je ne suis pas certaine de ce qu'il y a dans mes lèvres", s'inquiète celle qui ne reconnait plus non plus son visage. "Je vois des lèvres qui ne m'appartiennent pas, j'ai une très grosse masse qui descend et qui me gêne c'est celle-ci qui me gêne le plus", explique-t-elle dans le reportage en tête de cet article, en désignant le côté droit de sa lèvre supérieure. Et de conclure : "J'ai l'impression qu'on s'est payé ma tête".

La jeune femme, qui a accepté de témoigner à visage caché pour TF1, est l'une des très nombreuses personnes qui ont eu affaire à deux sœurs, interpellées la semaine dernière dans un salon d'esthétique lillois, et qui seront jugées le 17 août prochain à Valenciennes. Il leur est reproché de s’être livrées illégalement à des injections d’acide hyaluronique et de botox sur des centaines de clients, dont 26 victimes recensées, recrutés sur les réseaux sociaux.

"Je suis infirmière de base"

Présumées innocentes dans l'attente de leur procès, les deux jeunes femmes poursuivies, qui risquent jusqu'à dix ans de prison, ont agi selon un "système très organisé", selon les enquêteurs. Les prestations étaient proposées via les pseudonymes Instagram "injection_lille" et Snapchat "Doctor Lougayne" à prix cassés. "Je n'ai pas de cabinet mais je suis quand même dans la médecine je suis infirmière de base", peut-on entendre dans un extrait de conversation enregistré par Alicia, méfiante dès les premiers échanges. À titre de repère, cette dernière aura déboursé pour chacune de ses deux injections, 170 euros soit deux fois moins que chez un médecin. 

C'est dans le même piège qu'est tombé Benoit, 53 ans, qui va devoir subir une intervention pour tenter de réparer son visage.

"Le matin et le soir, je suis obligé de mettre du scotch pour pouvoir maintenir les yeux ouverts", témoigne-t-il avant d'évoquer l'intimidation dont il a été victime. "Quand je demande un remboursement, les menaces commencent à arriver en me disant : tu vas finir dans le canal si tu ne nous laisses pas tranquilles", poursuit-il.

"Les dégâts sont considérables"

Lors des perquisitions menées par la gendarmerie au domicile des deux jeunes femmes, des produits et des seringues ont été saisis. L'analyse de ces derniers a révélé un taux de bactéries "supérieur au seul maximal autorisé", explique le lieutenant-colonel Vincent Audon, de la Section de recherche de Lille. "Au-delà de la pratique en elle-même, ça rajoute un risque de complication médicale pour les patients", souligne-t-il.

"Les dégâts sont considérables", confirme le Dr Bergeret-Galley Catherine qui voit des visages mutilés chaque semaine dans son cabinet. "On a quand même eu des femmes qui ont failli mourir, une dizaine de patientes hospitalisées dans nos réanimations en France."

Signataire d'une tribune publiée en mars dernier sur le site du Parisien, le docteur Adel Louafi, chirurgien plastique reconstructrice et esthétique à Paris, président du syndicat des chirurgiens esthétiques, évoquait déjà ce véritable fléau dans un reportage diffusé en septembre 2022 dans le 20H de TF1. "Ces injections sont faites par des personnes qui n’ont aucune connaissance de l’anatomie, qui ne savent absolument pas où sont situés les vaisseaux, les nerfs et on est obligés d’enlever chirurgicalement parfois un morceau de lèvre, parfois un morceau de nez parce que les tissus sont gangrénés, infectés, nécrosés, morts", déplore le plasticien, qui a regroupé des dizaines de témoignages de patientes victimes de tels charlatans. "Cette personne va perdre une partie de sa lèvre malheureusement", indiquait-il alors en présentant une photo illustrant les conséquences de ces actes illégaux, souvent irréversibles.


A. LG | Reportage : Maurine Bajac, Lucas Lassalle et Marie Belot

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