Vaccination contre la grippe : pourquoi un tel retard dans la campagne ?

Publié le 22 novembre 2022 à 18h28

Source : JT 13h Semaine

La campagne de vaccination contre la grippe a commencé depuis le 18 octobre.
Elle s'adresse surtout aux personnes vulnérables, alors que le variant du virus devrait être particulièrement sévère cette année.
Pourtant, un mois plus tard, le public cible n'est pas au rendez-vous.

La campagne de vaccination contre la grippe ne décolle pas. 34 jours après le début son lancement, elle accuse un "retard important" par rapport aux années précédentes, comme ont pu le dénoncer les deux principaux syndicats de pharmaciens, FSPF et l'Uspo, via un communiqué lundi 21 novembre. "La couverture vaccinale est particulièrement inquiétante", alerte l'Union des syndicats de Pharmaciens d'Officine dans ce document.

En effet, ce sont un peu plus de 7 millions de doses qui ont été distribuées au 18 novembre, un mois après le début de l'ouverture de la campagne de vaccination, selon les données collectées auprès de 14.000 des 20.000 pharmacies françaises et publiées par la société IQVIA, spécialiste des données de santé, sur sa "plateforme opendata" (iqvia.opendatasoft.com). Sur la même période, en 2021, 8,6 millions de doses avaient déjà été distribuées. 

"Nous avons à peu près 20-25% de moins de distribution de vaccins par rapport à l'année dernière, qui était déjà une année où le taux n'était pas très fort", constate auprès de TF1info Philippe Besset, président de la FSPF, premier syndicat de la profession. Par conséquent, selon lui, la situation n'est "pas bonne du tout cette année". D'autant que le recul concerne surtout les personnes les plus vulnérables à la grippe, ces premières semaines de campagne étant réservées aux publics prioritaires, soit les personnes de plus de 65 ans, celles atteintes de maladies chroniques et les femmes enceintes.

Une période de redoux qui a freiné la vaccination

Une des raisons qui expliqueraient cette faible mobilisation serait la période de redoux, fin octobre. Les dernières semaines de ce mois ont été exceptionnellement chaudes, ce qui n'a pas incité le public visé par la campagne à se protéger pour l'hiver. Par ailleurs, le virus s'est très peu propagé. Mais l'arrivée brutale du froid ces derniers jours pourrait inverser la tendance. 

"L'arrivée comme ça du froid, qui est un froid humide en plus, favorise tout ce qui est virus respiratoire syncytial, toutes les rhinopharyngites... terrains qui sont plutôt favorables à la grippe puisqu'ils diminuent les défenses. On est fatigué et on développe le virus plus facilement", indique auprès de TF1info Jérôme Marty, médecin et président du syndicat de L'Union française pour une médecine libre.

Une "lassitude" après deux ans de crise sanitaire

Philippe Besset explique aussi cette baisse de vaccination par "une lassitude de nos concitoyens vis-à-vis de la vaccination en général, liée peut-être au grand nombre de rappels pour le Covid". S'il reconnait que les rappels vaccinaux sont nécessaires, le pharmacien juge que l'adhésion de la population à la vaccination diminue du fait de ces multiples appels. 

Une campagne contre la 3e dose de Covid est d'ailleurs en cours, en même temps que la campagne de vaccination contre la grippe. Face aux périodes d'attentes qui ne sont pas les mêmes entre les doses suivant son âge ou sa situation de santé, les Français seraient donc perdus. "En faisant la recommandation telle qu'elle est faite aujourd'hui, je considère qu'on loupe une grande partie de la cible", note Philippe Besset.

Un échec qui s'explique aussi, pour Jérôme Marty, par la faiblesse de la campagne de communication autour de la vaccination. S'il se félicite de l'ouverture d'une campagne combinée contre le Covid et la grippe, le médecin considère qu'elle n'est pas assez forte et trop "infantilisante". "Je constate une moindre appétence pour le fait vaccinal qu'on pouvait le connaître lors des années avant le Covid", indique-t-il, observant également une fatigue de la vaccination, après deux ans de crise sanitaire.

Pour autant, il le répète, la vaccination reste importante, alors même que l'épidémie de grippe s'annoncerait particulièrement sévère, au regard du variant qui a circulé dans les pays du Sud et qui se propagerait désormais en Europe. Déjà, selon le ministre de la Santé, François Braun, dans un entretien à RTL, "les indicateurs d'arrivée de la grippe ont commencé à s'allumer en Bretagne", passée en phase pré-épidémique début novembre.

Avec la fin des gestes barrières, le public vulnérable pourrait être particulièrement touché par la grippe, alors même que le système hospitalier rencontre déjà des difficultés à prendre en charge l'épidémie de bronchiolite. François Braun a néanmoins assuré que le système de santé pourra "supporter l'arrivée de la grippe si tout le monde y met du sien (et) si les personnes les plus fragiles se font vacciner". D'après Santé publique France, 2 à 6 millions de personnes sont touchés par la grippe selon les années, et le virus provoque entre 10.000 et 15.000 décès par an.


Aurélie LOEK

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