Boudé par le ciné, consacré par le Goncourt : qui est Jean-Baptiste Andrea, l'auteur de "Veiller sur elle" ?

Publié le 7 novembre 2023 à 16h52

Source : TF1 Info

L’écrivain cannois Jean-Baptiste Andréa a décroché le Prix Goncourt 2023 pour son quatrième roman, "Veiller sur elle", publié chez L’Iconoclaste.
Une belle consécration pour cet ancien réalisateur et scénariste de cinéma qui a longtemps été fui par le succès.
D’une comédie avec David Schwimmer à la table de Drouant en passant par le nanar de la semaine du "Figaro", retour sur un parcours surprenant.

C’est l’histoire d’un jeune romancier de 52 ans. Lauréat du Prix Goncourt 2023 pour le flamboyant Veiller sur elle, Jean-Baptiste a fait son entrée en littérature il y a six ans seulement. Auparavant, il avait mené une double carrière de réalisateur et de scénariste relativement discrète au regard de son actuel succès en librairie puisque son quatrième opus s’est déjà vendu à plus de 50.000 exemplaires depuis sa parution, le 17 août dernier.

Né à Saint-Germain-en-Laye, dans la région parisienne, Jean-Baptiste Andrea a grandi à Cannes dans une famille mêlant des origines italiennes, grecques, espagnoles et pied-noir. S’il a toujours rêvé d’écrire, il préfère rassurer ses parents en suivant des études à Sciences-Po Paris puis à l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP). C’est finalement grâce au cinéma qu’il se lance dans le grand bain de la fiction et va y faire carrière pendant une vingtaine d'années.

Une carrière (très) discrète au ciné

En 2003, il a 32 ans lorsqu’il écrit et réalise Dead End, un film d’horreur franco-britannique dans lequel une famille est décimée sur la route du diner de Noël. Trois ans plus tard, il enchaîne avec Big Nothing, une comédie policière dont la vedette n’est autre que David Schwimmer, l’interprète de Ross dans la série Friends. Deux petits budgets confidentiels qui ne sont pas restés dans les annales du Septième art, l'intéressé en conviendra.

Jean-Baptiste Andrea écrit ensuite le scénario de Hellphone, un teenage movie fantastique de James Huth, le réalisateur de Brice de Nice. Malgré toute leur bonne volonté, c’est un échec commercial retentissant. Mais les deux hommes nouent une solide amitié. "Jean-Baptiste est quelqu'un qui s'abandonne complètement à l'imaginaire", confiait il y a peu James Huth à Télérama. "Il a la grâce et l'élégance de ses personnages."

En 2013, le futur romancier retourne derrière la caméra avec La Confrérie des larmes dans lequel Jérémie Renier incarne Gabriel, un flic au chômage qui accepte de transporter une mystérieuse mallette en échange d’une grosse somme d’argent. Assassiné par la critique – Le Figaro en fera son nanar de la semaine – ce thriller également interprété par Audrey Fleurot, la future vedette de HPI sur TF1, fait un flop au box-office.

Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Encouragé par James Huth, Jean-Baptiste Andréa se met à l’écriture de son premier roman, Ma Reine, l’histoire d’un gamin qui s’enfuit de la station-service où il a grandi avec ses parents, dans la chaleur de l’été 1965. Après avoir achevé le manuscrit, il l’envoie à pas moins de quinze éditeurs. Il a déjà reçu quatorze lettres de refus lorsqu’il est contacté par L’Iconoclaste, la jeune maison d’édition fondée par Sophie de Sivry.

Son roman le plus ambitieux

Récompensé par le prix Femina des lycéens en 2017, le néo-écrivain poursuit sur sa lancée avec Cent millions d’années et un jour puis Des diables et des saints qui reçoit le Grand Prix RTL-Lire en 2021. Si on lui doit le script du film d'aventure King, succès en salles en 2022, c'est bel et bien la littérature qui lui tend les bras. Il se lance alors dans son challenge plus ambitieux avec Veiller sur elle, son quatrième opus paru en août dernier, quelques semaines seulement après la mort de son éditrice.

Au départ, Jean-Baptiste Andrea imagine le personnage de Viola Orsini, une jeune héritière italienne, rebelle au temps du fascisme. Ne s’estimant pas capable d’écrire du point de vue d’une femme, il imagine alors Mimo Vitaliani, un fils d’immigrés italiens en France, renvoyé dans le pays de ses parents pour devenir l’apprenti d’un sculpteur de pierre. Très vite, l’élève dépasse le maître et s’invente un destin extraordinaire en rencontrant l'étonnante Viola.

Je crois tout à fait que l'on peut être populaire, mais aussi profond, et donner des niveaux de lecture différents à plusieurs générations
Jean-Baptiste Andrea sur France Inter

Brassant un siècle de l’Histoire de la botte, Veiller sur elle débute dans une abbaye, nichée dans la montagne, alors que Mimo s’apprête à pousser son dernier souffle à l’automne 1986, tout proche d’une Pieta qui fascine autant les amateurs d’art qu’elle effraie le Vatican. Sur près de 600 pages menées tambour battant, Jean-Baptise Andrea croise les époques et les univers avec un souffle romanesque à rebours de l’autofiction à la française. Ce dont cet amoureux de Dumas ne se cache pas.

"J'ai presque l'impression de nos jours qu'on a laissé au cinéma la prérogative de raconter des histoires comme s'il y avait quelque chose d'un peu vulgaire dans le fait de raconter une histoire et que, forcément, cela excluait la profondeur", confiait-il il y a quelques jours sur France Inter. "Et moi, je crois tout à fait que l'on peut être populaire, mais aussi profond, et donner des niveaux de lecture différents à plusieurs générations, à plusieurs classes de lecteurs. C'est ça, pour moi, un roman."

En primant Jean-Baptiste Andréa, le jury du Goncourt n’a pas mis ses divisions de côté puisque comme l’an dernier, il a fallu 14 tours de scrutin pour départager ses membres. Reste que contrairement à Vivre vite de Brigitte Giraud qui a plafonné à 200.000 exemplaires, Veiller sur elle est le genre de roman capable de réunir un large public, à l’image d'Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre en 2013 ou de L’Anomalie de Hervé Le Tellier en 2021, deux Goncourt récents qui ont franchi la barre du million d’exemplaires.


Jérôme VERMELIN

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