La France est-elle toujours une grande puissance agricole ? Ce que disent les chiffres

par Theodore AZOUZE
Publié le 30 janvier 2024 à 16h13

Source : JT 20h WE

La France est toujours la première puissance agricole de l'Union européenne.
Toutefois, son hégémonie sur le continent décroît fortement dans certaines filières, comme celle du poulet ou des fruits.
Depuis dix ans, le pays est aussi devenu plus dépendant aux importations.

C'est une notion sans cesse invoquée ces derniers jours. Depuis mi-janvier et le début du mouvement de colère des agriculteurs, la souveraineté alimentaire de la France revient dans de nombreux débats. "On ne comprend pas pourquoi on nous impose tant de normes, tant de règles, alors qu'aujourd'hui c'est près d'un tiers de l'alimentation française qui est importée", avait ainsi déploré le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, la semaine dernière lors de son intervention au 20H de TF1. Ces derniers jours, beaucoup de manifestants regrettent la "concurrence déloyale" venue de pays étrangers, comme de l'Ukraine par exemple.

Les statistiques confirment un déclin pour certains produits et une plus grande dépendance aux importations dans plusieurs filières. Des chiffres qui masquent une réalité plus contrastée : pour beaucoup d'aliments, la France est malgré tout parvenue à maintenir son importante capacité exportatrice, contribuant à dynamiser l'économie du secteur. Mais plus globalement, notre pays, historiquement agricole, a-t-il vraiment tant perdu de sa superbe au cours des années passées ? 

Toujours la première nation agricole en Europe

D'abord, la France demeure la première puissance agricole européenne, devant l'Allemagne et l'Italie. En 2022, la balance commerciale agricole française, c'est-à-dire la différence de valeur entre les produits importés et ceux exportés, restait encore largement positive, avec 10,3 milliards d'euros engrangés sur l'ensemble de l'année. Toutefois, en s'intéressant seulement aux échanges commerciaux agricoles réalisés au sein de l'UE, le constat est moins positif, avec davantage de produits importés des autres pays européens que de produits exportés vers eux. Certaines filières, comme les vins ou les produits laitiers, s'en sortent toutefois mieux que d'autres.

En ce qui concerne les céréales, le bilan est plus mitigé. La récolte de blé tendre, qui sert à fabriquer le pain, s'est maintenue en 2023 à des volumes importants (35 millions de tonnes). Les deux années précédentes, le pays était resté l'une des grandes puissances en la matière, se classant comme le cinquième exportateur mondial. En revanche, en ce qui concerne le blé dur, qui permet de fabriquer notamment les pâtes et de la semoule, la production en 2023 fut la plus basse depuis vingt ans. De manière générale, "la très forte baisse de production sur dix ans (un tiers, en moyenne triennale) se traduit immédiatement dans les bilans en termes de taux d’auto-approvisionnement", note France AgriMer dans son dernier rapport sur la souveraineté alimentaire. 

Un poulet sur deux est importé en France aujourd'hui

Autre secteur qui fait grise mine : l'élevage de volaille. "La situation la plus dégradée est incontestablement celle du poulet, indique ainsi la synthèse du même rapport. La production française a pourtant continué à augmenter ces dernières années (avant les épisodes de grippe aviaire de 2021-2022), mais sans suivre le rythme de la demande, ce qui a nécessité un fort recours aux importations, notamment pour l’approvisionnement de la restauration hors domicile", c'est-à-dire dans les restaurants et les cantines, par exemple. Longtemps première exportatrice européenne de poulet, la France s'est fait dépasser par la Pologne, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Belgique. Un poulet sur deux est aujourd'hui importé dans l'Hexagone.

Le commerce de fruits (hors agrumes et variétés exotiques) et de légumes frais souffre également de la baisse de production nationale, estimée à -17% en dix ans. La grande distribution se tourne de plus en plus vers l'étranger pour acheter ces produits, alors que leur consommation en France reste toujours aussi importante. Dès lors, face à la crise du secteur, "il faut trouver des réponses, sinon dans dix ans, on aura un effondrement de la production arboricole et maraîchère en France", s'inquiétait Laurent Grandin, président de l'interprofession des fruits et légumes frais (Interfel), dans Les Echos le 24 janvier.

Au total, la France produit 17% des denrées agricoles du Vieux Continent. Mais, au niveau planétaire, "elle est passée de deuxième à cinquième exportateur mondial en vingt ans", alertaient les auteurs d'un rapport du Sénat datant de septembre 2022. Le sujet, remis sur la table ces derniers jours par les agriculteurs lors des récentes manifestations, a poussé le Premier ministre Gabriel Attal à promettre un changement de paradigme sur le sujet. "Développer notre agriculture, ça veut dire produire et retrouver notre souveraineté alimentaire, avait assuré le responsable la semaine dernière, face à des responsables syndicaux. Il faut arrêter d'importer des produits qu'on pourrait faire chez nous."


Theodore AZOUZE

Tout
TF1 Info