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À la rentrée, des "visio-remplaçants" vont-ils donner cours en raison d'une pénurie de profs ?

Publié le 29 juin 2022 à 17h11

Source : Sujet TF1 Info

Des internautes s'émeuvent d'apprendre que, dans le Grand Est, des professeurs soient chargés à la rentrée d'assurer des remplacements en visioconférence.
Si cette pratique va bien faire l'objet d'une expérimentation au sein de l'académie de Nancy-Metz, elle concerne seulement sept postes d'enseignants et n'a pas vocation à être pérennisée.
L'objectif affiché est surtout d'éviter à des classes de se retrouver sans prof durant plusieurs semaines.

Conditions de travail parfois difficiles, faibles niveaux de rémunérations... Le métier d'enseignant peine à susciter des vocations, avec certaines matières particulièrement touchées comme les mathématiques. Des initiatives locales sont souvent mises en avant, à l'instar des "job dating" organisés pour attirer de nouveaux candidats et renforcer les effectifs de professeurs contractuels.

Du côté de l'académie Nancy-Metz, on peut lire sur les réseaux sociaux qu'en cas de prof absent, un surveillant sera chargé de veiller sur "une classe en visio, avec un remplaçant qui ne connaît pas les élèves et que les élèves ne connaissent pas". Une initiative prévue pour la rentrée prochaine et que certains ne manquent pas de torpiller, y voyant le "degré ultime de la dégradation de [leur] métier". Pour en savoir plus, TF1info s'est rapproché de l'académie, qui explique les détails de ce qui n'est pour l'heure qu'une expérimentation ponctuelle.

Des "brigades numériques de remplacement"

Dans les rangs de l'académie de Nancy-Metz, on évite d'utiliser le terme de "visio-professeurs", tel qu'utilisé par divers médias. "Nous parlons plutôt de brigades numériques de remplacement", confie-t-on aux Vérificateurs, "parce que parler de visio-prof sous-entend qu’on pourrait remplacer un enseignement en présentiel par de la visio. Or, ce n'est pas le cas : on préférerait largement mettre des profs face aux élèves !" Une volonté claire, qui se heurte au manque de candidats plus qu'à de quelconques problèmes d'argent. "On a les moyens financiers, en plus", déplore l'académie.

Si une telle "brigade numérique" va bien voir le jour, elle est avant tout mise en place à la rentrée pour répondre à une situation délicate dans les territoires les plus ruraux, du côté des Vosges ou la Meuse. Les professeurs remplaçants, habitués à se rendre d'un établissement à l'autre au gré des absences, "vivent généralement dans des villes ou à leurs abords, et se trouvent souvent très éloignés de zones reculées", nous explique-t-on. Dès lors, "il leur faut parcourir plus une heure ou deux pour aller effectuer certains remplacements". Une situation délicate, surtout lorsqu'il s'agit d'effectuer ces trajets durant plusieurs semaines. Et pour cause, le problème majeur rencontré dans la région concerne les absences d'une durée moyenne : si les arrêts de longue durée sont plutôt bien négociés, à l'instar de ceux très courts, ceux qui durent quelques semaines posent davantage de problèmes.

"Pour tous les cas où on ne trouve vraiment personne, on a réfléchi à cette brigade", glisse l'académie, qui évoque ainsi la création de sept postes dédiés pour septembre. Les profs qui en feront partie seront "uniquement des volontaires, des remplaçants qui ont déjà une expérience de la visioconférence pour la grande majorité", suite à l'épidémie de Covid.

Une expérimentation concertée avec les syndicats

En pratique, les remplaçants mobilisés au sein de cette "brigade" rejoindront un établissement à proximité de leur domicile, où ils disposeront de matériel mis à disposition par l'Éducation nationale. Ordinateur, micro, caméra... De l'autre côté, les élèves seront quant à eux encadrés par des surveillants (les AED, comme on les nomme dans le jargon). Des personnels chargés entre autres d'éviter les bavardages, de faire l'interface avec le professeur ainsi que de gérer d'éventuels problèmes techniques. Si les effectifs de remplaçants sont insuffisants dans les établissements, des recrutements spécifiques sont possibles, nous indique-t-on.

Le dispositif n'a "pas vocation à durer dans le temps", insiste l'académie de Nancy-Metz, qui met en avant la dimension expérimentale de cette initiative : "Elle ne concerne que sept profs sur les 32.000 que nous dénombrons chez nous dans le secondaire." Dans des matières telles que les maths, l'anglais, mais aussi l'histoire-géo, l'allemand ou le français. "Sur le plan pédagogique, ça n'aurait pas de sens de pérenniser ce dispositif", poursuit l'académie, qui assume vouloir avant tout éviter que les élèves se retrouve sans enseignants pendant plusieurs semaines. La durée de l'expérimentation sera d'ailleurs de deux ans au maximum. 

Des critiques ont fusé contre le ministère à l'annonce de cette expérience, mais l'académie insiste sur le fait que les syndicats ont été consultés avant sa mise en œuvre. Tout a été débattu lors d'un CTA, un "comité technique académique" qui "réunit le rectorat et les partenaires sociaux". À l'issue des discussions, les syndicats s'étaient alors abstenus. Dans l'Éducation nationale, une abstention a un goût de soutien, glisse-t-on avec malice. 

Si la mise en place d'une telle brigade met en lumière les difficultés à trouver des professeurs et à valoriser cette profession, on estime aussi du côté de Nancy-Metz que cela met en lumière le déficit d'attractivité de toute une région. "On le retrouve dans d’autres secteurs : prenez les chauffeurs de cars scolaires par exemple, il est difficile aujourd'hui de recruter des volontaires pour ces postes. Sans même parler des médecins, qui sont peu attirés par une implantation dans les zones rurales." Pour encourager de nouvelles vocations, notons que le nouveau ministre de l'Éducation, Pap Ndiaye, a annoncé il y a peu sa volonté de porter à "au moins 2000 euros nets par mois", le salaire de tous les jeunes enseignants, et ce dès 2023.

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Thomas DESZPOT

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