Paris a annoncé la livraison de nouveaux chars à l'Ukraine.Une aide que voient d'un mauvais œil les proches du Kremlin, dont Vladimir Soloviev.Portrait de ce propagandiste qui appelle à réaliser une "frappe préventive" sur la France.
Il est à la tête d'un canal d'information tentaculaire. Dont il profite pour menacer ouvertement l'Europe. Ce lundi 9 janvier, le présentateur russe Vladimir Soloviev a franchi une nouvelle étape dans l'escalade de la violence en appelant à réaliser des "frappes préventives" sur la France en réaction aux nouvelles livraisons de chars annoncées par Paris. Une provocation lancée sous les rires des invités de son émission diffusée sur Rossyia 1, la chaîne la plus regardée du pays. On a retracé le parcours de cette figure médiatique au discours musclé, passée de la défense de la liberté de parole à la propagation des discours du Kremlin.
Un virage à 180 degrés dans les années 2010
Animateur de plusieurs émissions, dont "Soirée avec Vladimir Soloviev", qui porte son nom, le présentateur star gère également l'un des canaux Telegram parmi les plus suivis du pays, avec ses 1,3 million d'abonnés. De quoi en faire sans aucun doute le propagandiste du Kremlin le plus prolifique. Mais il n'en n'a pas toujours été ainsi. Après avoir suivi une éducation réservée aux enfants de l'élite soviétique et rejoint l'Union des jeunesses léninistes dans son adolescence, ce fils d'une famille russe d'origine juive a d'abord été enseignant de physique avant d'obtenir un poste de professeur d'université aux États-Unis. Il revient à Moscou deux ans plus tard, en 1992, pour faire carrière dans ce pays post-soviétique où il achète des actions de Gazprom.
Ce n'est finalement qu'à 35 ans, en 1998, qu'il fait ses premiers pas dans les médias. Celui qui n'a pas sa langue dans sa poche est alors invité à participer à une émission de radio grâce à ses connaissances en anglais, comme l'écrit notamment le média russe indépendant Sobesednik. Pendant plusieurs années, il entre dans l'establishment politique… Mais du côté de l'opposition. "Jusqu'aux années 2000, le journaliste va vanter les valeurs démocratiques", rappelle ainsi Sobesednik dans un article à ce sujet. À son micro se succèdent les personnalités politiques et journalistiques de l'opposition, avec qui il défend la liberté journalistique et vilipende les restrictions contre la liberté de la presse.
Une analyse de la carrière du présentateur confirmée par Novaya Gazeta. Dans un article, ce média indépendant vante le "journaliste indépendant respecté" qu'était Vladimir Soloviev avant sa "volte-face pour garder les faveurs des autorités russes". Ce n'est finalement qu'en 2010, année où il rejoint les chaînes de télévision russes d'État, qu’il va représenter la parole du Kremlin en tant qu'éminent présentateur. D'abord, son rendez-vous sur Rossiya 1 est hebdomadaire, avant de prendre en 2014 la forme quotidienne qu'on lui connaît aujourd'hui.
Preuve du changement radical de ce présentateur à la tête froide, mais aux opinions volatiles, il rejetait encore en 2013 l'éventualité de l'annexion de la Crimée, s'inquiétant d'une éventuelle guerre injustifiée avec l'Ukraine voisine. Un an plus tard, les troupes de Poutine envahissaient ce territoire ukrainien, sous les applaudissements du présentateur. "La Crimée et Sébastopol font à nouveau partie de la Russie. La justice historique a prévalu", lançait-il, selon une citation de la presse russe. Un virage à 180 degrés qui ont fait du cinquantenaire le nouveau visage de la propagande russe. Et de sa désinformation. De 2015 à 2021, 195 fausses informations ont été diffusées dans les programmes du présentateur, d'après un décompte du projet EUvsDisinfo. Un phénomène qui ne s'est pas tari avec le conflit. Entre autres rumeurs, il accuse l'Ukraine de tuer ses propres civils pour faire accuser Moscou, assène que le Royaume-Uni prévoit d'envahir la Russie ou encore décrit l'Ukraine comme un État nazi.
La menace nucléaire comme habitude
Des prises de position qui en font indubitablement le chef de file de la propagande d'État russe. Et un très proche du Kremlin. Il a produit pas moins de trois films sur le président russe et en automne 2015, il est le seul journaliste russe auquel Vladimir Poutine accordera un entretien suite à l'intervention militaire en Syrie. Membre du Conseil de la télévision publique depuis 2012, il a également été médaillé de la plus haute distinction du pays pour sa "couverture objective des événements en Crimée". De quoi en faire, a contrario, une persona non grata en Europe. Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, Vladimir Soloviev est interdit de territoire dans toute l'Union européenne, et ses biens ont été confisqués.
Pas de quoi stopper le présentateur. Avec un conflit qui s'enlise, son discours envers l'Europe se fait de plus en plus violent. Quotidiennement, l'homme cintré dans sa veste noire insulte et attaque l'Occident. Si, ce lundi, le présentateur au visage aussi dur que ses mots s'est montré en faveur d'une frappe contre la France, il n'en est pas à sa première provocation. Le 18 décembre, il décrivait d'éventuelles frappes sur les États-Unis comme "justifiées par la Bible", comme le rappelle la cheffe du projet Russian Media Monitor, qui fournit des traductions de passages conservés diffusés par les médias d'État russes. Le 22 novembre, il trouvait ça "bizarre" de ne pas utiliser toutes les ressources de Moscou et la veille, il visait clairement l'Allemagne comme cible première en cas de guerre ouverte entre la Russie et l'Europe. Une parole libérée, décomplexée et dangereuse. Qui dépasse désormais largement les menaces à demi-mots du Kremlin.
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