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Guerre en Ukraine : des systèmes Patriot ont-ils été détruits par la Russie ?

Publié le 19 juin 2023 à 18h22

Source : TF1 Info

Le Kremlin a affirmé ce vendredi avoir détruit "cinq systèmes de missiles Patriot".
Avec le lancement de sa contre-offensive, Kiev accuse plusieurs pertes matérielles.
Il est cependant erroné de penser que ces systèmes de missiles sol-air font partie des dommages.

La Russie avait promis qu'elle trouverait un "antidote" aux missiles Patriot. Voici qu'elle les aurait détruits. Ce vendredi 16 juin, Vladimir Poutine s'est félicité, lors d'une prise de parole au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, des pertes du côté des forces armées de Kiev, citant ces systèmes de défense aérienne. "Nous avons détruit cinq systèmes de missiles Patriot", a assuré le président russe, précisant que son armée aurait pu "raser n'importe quel bâtiment" de la capitale. Alors, Kiev est-elle déjà à court de ces systèmes d'autant plus précieux qu'ils sont rares ? 

Poutine recycle une vieille rumeur

S'il n'a pas répondu directement au chef du Kremlin, Volodymyr Zelensky a évoqué cette rumeur le surlendemain. "Peu importe qui en Russie dit que nos Patriot ont été détruits, ils sont toujours là, ils fonctionnent", a rétorqué le président ukrainien le dimanche 18 juin. "Ils abattent tous les missiles russes aussi efficacement que possible", a-t-il insisté au cours d'une vidéo de remerciements aux troupes

Alors, qui dit vrai ? La seule occurrence de cette information, nous la retrouvons dans une prise de parole du ministère russe de la Défense. Il y a plus d'un mois, l'Armée de Moscou affirmait avoir détruit "cinq lanceurs Patriot" lors d'une série d'attaques nocturnes contre Kiev. "Un missile Kinjal a complètement détruit cinq lanceurs et une station radar", rapportait le ministère russe de la Défense, cité par les agences d'État, dans un article publié le 17 mai. Pour rappel, ces systèmes américains de défense aérienne sont composés de trois éléments principaux. Les radars et leurs générateurs électriques, les huit stations de lancement transportant jusqu'à 16 missiles, et la station de contrôle avec son groupe d'antennes, qui surveille le radar et fournit des données sur la cible. Ce sont donc deux de ces éléments qui auraient été touchés, et non pas l'intégralité des "systèmes", contrairement à ce qu'a indiqué Vladimir Poutine. D'ailleurs, Kiev n'a reçu pour l'instant que deux lanceurs américains.

Mais, que disent les images disponibles au sujet de la nuit du 15 au 16 mai ? Très tôt dans la matinée, une pluie de missiles et de drones russes ciblait Kiev et sa proche banlieue. Sans faire de victimes. Au petit matin, l'Ukraine se félicitait d'avoir protégé sa capitale en abattant la totalité des six missiles Kinjal lancés par la Russie. Si le Kremlin avait démenti cette information à l'époque, depuis, de nombreux éléments ont prouvé que le système hyper-sophistiqué de Washington est capable d'une telle prouesse. Par ailleurs, un reportage publié par le Wall Street Journal le 11 juin le corrobore. Auprès des opérateurs de l'une de ces batteries, les journalistes témoignent de la manière dont, tôt dans la matinée du 16 mai, "le radar du Patriot a détecté les missiles, dont six Kinjal, à une distance d'environ 125 milles". "L'ordinateur du système a suivi les missiles et lancé des intercepteurs, les détruisant tous, le dernier à une distance d'environ neuf milles, quelques secondes avant l'impact", écrivent-ils.

Par ailleurs, nos recherches n'ont pas permis de trouver de trace de l'impact de ce missile, dont le nom signifie poignard en russe. Les autorités ukrainiennes avaient bien fait état de dégâts, mais ils étaient causés selon elles par les "débris des missiles russes". Plusieurs quartiers de la capitale étaient touchés, dont le zoo. Les dommages les plus importants avaient été enregistrés dans le quartier de Solomyanka, où ils ont provoqué un incendie. Or, on possède plusieurs images de cet incident, dont celles du service d'urgence de l'État ukrainien à Kiev, visibles ci-dessous. Sur les clichés pris au petit matin, on voit distinctement quatre bus et un entrepôt carbonisé. La zone touchée recouvre "une surface de 200 mètres carrés". Des informations confirmées par une source distincte, à savoir le reportage sur place de la chaîne de télévision publique portugaise. Les vidéos montrent bien que c'est un entrepôt qui a été touché et les données de géolocalisation prouvent qu’il s'agit de bus arrêtés sur le terminal B de l'aéroport international de Kiev ainsi qu'un atelier de réparation automobile. 

Il n'existe donc aucune preuve visuelle qu'un missile Kinjal ait détruit l'intégralité du précieux système Patriot. Reste l'éventualité d'un dégât minime provoqué par un débris. Or, c'est plutôt cette hypothèse qui semble se confirmer. Dès le 17 mai, des sources au sein du Pentagone confirmaient à la chaîne CNN et au New York Times que l'une des batteries avait été "légèrement endommagée", précisant toutefois que le radar, "l'un de ses éléments les plus importants", n'avait pas été touché.

Le système Patriot est entièrement restauré
Sabrina Singh, attachée de presse du Pentagone

Deux jours plus tard, lors d'un point presse, l'attachée de presse du Pentagone confirmait cette information. "Un système Patriot a été endommagé, avant d'être réparé", déclarait Sabrina Singh. "Il est entièrement restauré et fonctionne", avait-elle assuré. Preuve que les deux systèmes Patriot dont disposent Kiev sont toujours au complet : l'Allemagne a indiqué ce 16 juin qu'elle fournira "immédiatement" 64 missiles supplémentaires pour ces systèmes de défense antiaérienne qui protègent chaque nuit le ciel ukrainien.

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Felicia SIDERIS

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