L'armée russe a indiqué lundi avoir détruit pour la première fois un char Abrams en Ukraine.Une affirmation corroborée par une seule photo crédible, qui ne permet toutefois pas de connaître l'état du tank américain.Interrogé par TF1info, le Pentagone n'a pas pu, pour l'heure, confirmer la destruction de ce précieux engin.
Plusieurs mois d'attente et des blindés qui partent en fumée dès leur arrivée sur le front ? Le ministère de la Défense russe a indiqué, lundi 26 février, avoir détruit un char M1 Abrams, déployé à peine quelques jours plus tôt à Avdiivka, en Ukraine. Une information qui s'appuie sur plusieurs images, diffusées par les organes de presse proches du Kremlin, et qui ont inondé les réseaux sociaux. Mais que prouvent-elles réellement ? Nous avons vérifié.
Plusieurs fausses images
Pour rappel, après des semaines de tergiversations, les États-Unis ont décidé l'an dernier de livrer 31 chars Abrams. Arrivés en septembre dernier en Ukraine, ces tanks n'ont été déployés qu'à partir de novembre, dans la région de Koupiansk. À peine quatre mois plus tard, l'un d'eux serait déjà anéanti. "Le premier char Abrams engagé par les forces armées ukrainiennes a été détruit", annonçait lundi après-midi l'armée russe à travers les agences de presse. Une assertion qui a rapidement été accompagnée de photos et de vidéos, largement diffusées dans des canaux Telegram proches du Kremlin. Au total, nous avons analysé deux vidéos et deux photos supposées montrer la destruction du char américain. Sur ces quatre documents, trois n'apportent aucune preuve.
La première photo, ci-dessus, ne dévoile tout simplement pas le fameux char américain. D'après nos recherches, le cliché, notamment partagé par un Français devenu porte-voix de la propagande russe, montre en réalité un M1150 Assault Breacher endommagé. Si cet engin est bien basé sur le châssis du M1 Abrams, il n'est pas un blindé de combat. Comme son nom l'indique, ce char de déminage américain, effectivement présent en Ukraine, permet l'explosion des mines à distance. Selon les données compilées par Oryx, un collectif néerlandais qui documente à partir d'informations vérifiées les pertes d'équipement des deux armées depuis le début de l'invasion russe, l'engin de déminage a été détruit autour d'Avdiivka le 22 février dernier. On retrouve d'ailleurs cette image sur d'autres canaux Telegram à partir de cette date, soit quatre jours avant la prétendue destruction du char Abrams.
Deux vidéos seraient quant à elles la preuve que le char a été totalement détruit. Sur la première, ci-dessous, l'engin stationne à côté d'un pylône électrique. Ciblé par un missile, il explose et prend feu. Diffusée notamment par Régis de Castelnau, un autre relai occidental de la propagande russe, la séquence n'est en réalité pas récente. D'après nos recherches, elle a été tournée en octobre 2016 en... Irak. À l'époque, le groupe État islamique revendiquait la destruction d'un char de l'armée irakienne près de Qayyarah, dans le nord du pays. Soit, à plus de 1500 kilomètres d'Avdiivka.
La seconde vidéo ne permet quant à elle pas de prouver quoi que ce soit. Si nous n'avons pas retrouvé sa trace avant ce lundi, elle ne présente aucun indice permettant d'identifier l'engin touché ou le lieu de la frappe, rendant toute conclusion impossible.
Le Pentagone ne confirme pas l'information
En réalité, seule la photo ci-dessous confirme qu'un M1 Abrams a bien été touché. Sur celle-ci, le tank américain est très clairement identifiable. Elle semble par ailleurs avoir été capturée par un drone dont l'écran de radiocommande correspond à celui d'un drone "Piranha". Déployé en Ukraine par la Russie, c'est précisément cet aéronef qui aurait frappé le char américain, selon un représentant du fabricant, cité par les agences de presse russe.
Reste que de nombreuses inconnues persistent. À commencer par celle de la zone de frappe. Le ministère de la Défense russe assure que le tank a été touché par la 15ᵉ brigade de fusiliers motorisés dans la direction d'Avdiivka. Une localisation qui correspond bien à la zone dans laquelle les forces armées ukrainiennes avaient déployé le char Abrams le 23 février, selon la géolocalisation d'une vidéo diffusée par les autorités. Toutefois, l'information de l'armée russe ne peut être confirmée par la photo en question, sur laquelle il n'existe aucun indice pour identifier le lieu.
Par ailleurs, si, à l'image, l'engin apparait sévèrement endommagé, on ne connait pas son état précis. D'après l'analyse d'une source militaire, seul le compartiment à munitions à l'arrière de la tourelle semble avoir été touché. Les panneaux anti-explosion du M1 Abrams, visiblement déployés, ont en effet permis à l'incendie de ne pas se propager au reste du char. Contrairement aux chars soviétiques, et notamment au T72, les chars occidentaux sont conçus pour protéger l'équipage, si bien que les munitions sont séparées de la tourelle. Le déploiement des panneaux anti-explosion permet donc de penser que les soldats ont survécu à la frappe. Une information importante, tant l'équipage formé au pilote de ce char est précieux.
En résumé, une photo diffusée par les relais du Kremlin semble bien montrer qu'un M1 Abrams a été sévèrement endommagé par la frappe d'un drone russe, vraisemblablement un "Piranha". Auprès de TF1info, le Pentagone précise toutefois ne pas avoir pu vérifier la véracité de cette affirmation. De son côté, l'État-major général des forces armées de l'Ukraine n'a pas souhaité répondre à nos questions. Reste que si elle se révèle vraie, cette perte serait essentiellement symbolique. D'après le bilan du collectif Oryx, les Russes ont perdu trois fois plus de tanks que les Ukrainiens.
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