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VIDÉO - Propagande russe : qui sont ces "journalistes occidentaux", relais privilégiés du Kremlin ?

Publié le 20 janvier 2023 à 19h30, mis à jour le 28 janvier 2023 à 15h48

Source : TF1 Info

Présentés comme "journalistes" ou experts, plusieurs Occidentaux témoignent du conflit en Ukraine auprès des médias russes.
Censés représenter objectivement la parole européenne, ils sont en réalité très proches du Kremlin.
Portraits de ces commentateurs venus des quatre coins du Vieux Continent.

Ils se veulent porteurs de la "vérité". Mais gravitent autour des sphères russes de pouvoir. De nombreux Occidentaux, auto-proclamés journalistes, couvrent la guerre en Ukraine via leur chaine YouTube, compte Telegram ou autre blog. Et viennent représenter la parole européenne sur les plateaux télé et dans les studios des radios russes. Mais qui sont-ils réellement ? À quels réseaux appartiennent-ils ? Nous avons cherché à en savoir plus.

Venus d'Allemagne, du Royaume-Uni ou de France

Le plus ancien d'entre eux est sans aucun doute Thomas Röper. Résident à Saint-Pétersbourg depuis 20 ans, ce dernier est présenté comme un "expert" occidental dans certains médias russes où il intervient, et même parfois comme un journaliste du prestigieux quotidien Der Spiegel, comme dans cet article. Sur sa page YouTube ou sur la chaine Russia Today, l'homme vante à longueur d'interview sa "vision" du conflit, assurant par exemple n'avoir jamais entendu "aucune plainte spécifique contre les soldats russes". Pourtant suspectée de multiples exactions, l'armée de Poutine a notamment été accusée par l'ONU d'utiliser le viol comme une "tactique délibérée". 

"Beaucoup se plaignaient au contraire des soldats ukrainiens, (…) disaient qu'ils ont tiré sur des civils, volé et ainsi de suite", rétorquait alors le citoyen allemand au micro de la chaine aujourd'hui interdite de diffusion dans l'Union européenne. Sans se démonter, le blogueur y a d'ailleurs relayé foule d'autres rumeurs largement démenties, comme celle du massacre de Boutcha, qui serait selon lui une mise en scène des Ukrainiens.

Thomas Röper interrogé sur Russia Today, en avril 2022
Thomas Röper interrogé sur Russia Today, en avril 2022 - Capture d'écran

Cette vision, il la partage avec l'une de ses compatriotes, Alina Lip. À la tête de la plus grande chaîne Telegram germanophone de propagande russe, la jeune femme tient également un blog appelé "Nouvelles de Russie". Caméra à bout de bras, elle se filme sur le terrain et évoque son quotidien sur place, dans des vidéos à destination de l'Allemagne dont le Kremlin ne trouverait rien à redire. 

Parfois invitée des plateaux télé, Alina Lipp n'y est cependant pas aussi active que Graham Philipps. Ce "journaliste" britannique intervient régulièrement dans une émission baptisée "Antifake", diffusée sur la chaine publique Rossiya-1. Un programme qui donne lieu à des scènes étonnantes dans lesquelles les médias occidentaux sont accusés de diffuser une "réalité parallèle". Dans un russe très approximatif, Graham Philipps y a par exemple affirmé que "les médias occidentaux mentent et trompent". De quoi ravir son auditoire.  

Comme ses voisins, la France est elle aussi représentée dans cette mouvance. Son dernier ambassadeur ? Adrien Bocquet. Présenté par les agences de presse russes comme un "expert" ou un "journaliste", il est surtout connu pour être un menteur compulsif. Ces derniers mois, il a été épinglé après s'être dit témoin de crimes de guerre commis par les forces ukrainiennes à Boutcha, alors même qu'il ne s'y était jamais rendu. Face à ces accusations, et pour prouver sa bonne foi, il n'avait pas hésité à publier une photo de lui, prise sur place selon ses dires. Un cliché qui n'était rien d'autre qu'un photomontage. Banni des médias français, il se trouve désormais en Russie, où il a demandé l'asile politique et la citoyenneté russe. 

Avant lui, une certaine Christelle Néant avait déjà emprunté le chemin sinueux de la désinformation. Née en banlieue parisienne, elle a longtemps travaillé au Luxembourg avant de se rendre dans le Donbass, en 2016. C'est là qu'elle a ouvert une chaine YouTube, "Donbass Insider", où elle promeut une "information alternative". Elle y affirme entre autres que la région annexée par Moscou vivait sous pression du "nazisme" ukrainien, devenu une "menace pour le monde entier". Plus récemment, elle s'est réjouie de "l'effondrement des défenses ukrainiennes" et des "pertes record" de Kiev, casquette "Z" vissée sur la tête.

Vidéo de Christelle Néant sur sa chaine Donbass Insider, le 2 juillet 2022
Vidéo de Christelle Néant sur sa chaine Donbass Insider, le 2 juillet 2022 - Capture d'écran

Inexpérience et proximité avec le Kremlin

Si ces personnalités s'affichent régulièrement comme "journalistes", aucun d'entre eux n'avait travaillé pour un titre de presse avant de se rendre en Russie. Thomas Röper n'a jamais écrit pour Der Spiegel. C'est même l'exact inverse. Il est le fondateur d'"Anti Spiegel", un blog qui traite de la guerre et diffuse bon nombre d'autres théories conspirationnistes. Idem pour sa compatriote Alina Lipp, ex-militante écolo en Allemagne, partie rejoindre la Crimée en 2018. 

Graham Philipps, lui, a entamé sa carrière en ouvrant un blog sur l'Ukraine en 2009, alors qu'il était professeur d’anglais. S'il a couvert les faits divers à Kiev de manière épisodique pendant deux ans, il a rapidement rejoint les rangs des télévisions publiques russes. Quant aux deux Français, ils sont eux aussi très éloignés du monde de la presse. Adrien Bocquet est un ancien militaire, tandis que Christelle Néant concevait des sites web avant d'ouvrir sa chaine YouTube. 

Au-delà de cette expérience insignifiante, tous manquent aussi cruellement d'objectivité. Proche de Poutine, Thomas Röper a ainsi consacré un livre au président russe, quand sa compatriote fait partie du cercle d'influence du ministère russe des Affaires étrangères. Graham Phillips a pour sa part été décoré à de nombreuses reprises pour sa couverture des événements en Ukraine, et s'est même vu décerner une médaille par une branche du FSB. Sa proximité avec le Kremlin lui vaut d'ailleurs d'être la cible de sanctions britanniques pour incitation à la haine et coopération avec des propagandistes russes. 

Preuve de leur dévouement à Moscou, ces "journalistes" ont tous joué un rôle plus ou moins importants dans les différents référendums d'annexion qui ont eu lieu en Crimée puis dans le Donbass.

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Felicia SIDERIS

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