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Désinformation : comment la Russie cherche à démoraliser les habitants de Kharkiv

Publié le 13 mars 2024 à 17h31, mis à jour le 14 mars 2024 à 17h22

Source : TF1 Info

Les bombardements russes s'intensifient sur Kharkiv avec quatre nouveaux morts ce lundi.
Des attaques sur la ligne de front qui s'accompagnent d'une campagne de désinformation en ligne.
Depuis plusieurs jours, la propagande russe cherche à tout prix à démoraliser les habitants de cette ville ukrainienne, à grands coups de fake news.

Kharkiv, victime des frappes de drones et des infox russes. À mesure que les attaques venues de Russie s'intensifient sur cette ville ukrainienne, avec quatre nouveaux morts enregistrés ce lundi 11 mars, les fausses informations se multiplient. Depuis la fin du mois de février, une campagne de désinformation vise cette ville située sur la ligne de front de l'invasion russe en Ukraine. Toutes cherchent à faire croire que Volodymyr Zelensky serait en train de "préparer la capitulation". Une opération finement orchestrée, dont l'objectif est de faire tomber le moral de la population en même temps que l'armée ukrainienne. 

Une "opération informationnelle" signée Moscou

Dernier exemple en date, l'idée selon laquelle les autorités ukrainiennes auraient ordonné le retrait des archives et des objets exposés dans l'ancienne capitale du pays. La rumeur, notamment partagée par Pravda, cette plateforme qui fait partie d'un réseau coordonnée de désinformation identifié par Paris, ne s'appuie sur aucun texte ou document officiel, mais sur un seul témoignage. Il n'est confirmé par aucune déclaration officielle des autorités locales, ni aucune preuve visuelle. À l'heure actuelle, rien ne permet d'affirmer que des archives ou des joyaux nationaux ont été évacués de ce centre culturel. 

Pas plus que la population, d'ailleurs. Ce mardi 5 mars, les chaines Telegram qui se font le relai du narratif pro-russe ont pourtant largement diffusé l'information selon laquelle cette ville stratégique serait soumise à une évacuation forcée. "Kiev a commencé à transformer Kharkiv en ville fantôme", écrivait par exemple Dmitri Rodinov, un éditorialiste qui partage ses positions dans les médias d'État russes. Nous avons vérifié, et si des évacuations sont bien prévues, cette opération n'est pas du tout massive. Le 7 mars, le chef de l'administration militaire régionale, Oleg Sinegubov, annonçait effectivement l'évacuation des enfants et leurs proches des quartiers les plus dangereux du district de Koupiansk, cette ville de l'oblast de Kharkiv devenue la nouvelle ligne de défense. Au total, 161 personnes, dont 51 enfants, ont été déplacés afin de quitter ces villages constamment sous le feu des troupes russes.

REPORTAGE - Guerre en Ukraine : la nouvelle ligne de défense à KoupianskSource : TF1 Info

Si les habitants restent, la municipalité prépare-t-elle son exil ? C'est une autre rumeur découverte ces dernières semaines. Le 26 février, des chaînes Telegram pro-russes ont assuré que "les dirigeants de Kharkiv se préparent à fuir la ville". En témoignerait selon eux le bitumage d'une route vers l'ouest, qui servirait à un départ imminent. De simples travaux de voirie, comme il en existe habituellement dans les grandes villes européennes. Pour preuve, ces derniers jours, le maire comme le gouverneur sont apparus sur le terrain à de nombreuses reprises.

Enfin, dernier élément de preuve utilisé par la propagande russe pour faire croire à une chute prochaine de Kharkiv : les prix de l'immobilier. D'après plusieurs vidéos "d'agents immobiliers" diffusées sur les réseaux sociaux en ukrainien, les prix des logements dans cette commune qui accueillait autrefois plus de 1,4 million d'habitants se sont écroulés. Si bien que la presse d'État russe décrivait ce 25 février une "crise immobilière inédite", avec des prix qui auraient baissé de plus de 20% depuis l'été. Encore une fausse information démentie par les faits. Selon les statistiques de "LUN City", une plateforme de mise en page de données ukrainiennes, les prix des logements n'ont pas évolué de manière significative au cours des six derniers mois. Selon les dernières données disponibles pour le mois de mars, les prix ont, certes, diminué légèrement, mais uniquement de quelques pourcents, de 2% à 7% en fonction de la taille des logements.

Autant de fausses informations qui s'inscrivent dans une seule et même campagne de désinformation visant la population de Kharkiv. Sur son site, le centre de lutte contre la désinformation du gouvernement ukrainien décrit même une "opération informationnelle et psychologique" menée par la Russie. À l'heure où les canaux Telegram sont une source d'information indispensable au milieu des ruines, l'objectif de Moscou est clair : démoraliser la société et semer la panique. Une opération qui s'inscrit dans la stratégie de guerre hybride de la Russie, théorisée par le chef d'État-major général des forces armées, qui considère que la manipulation de l'information est la première étape qui doit mener à la fracturation des sociétés avant de permettre une attaque militaire directe. Une tactique que les autorités ukrainiennes comptent bien mettre en échec. Ce 27 février, le maire de la ville, Ihor Terekhov, prévenait l'opposant : "Tout comme nous avons défendu notre ville il y a deux ans, nous continuerons à le faire aujourd'hui."

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Felicia SIDERIS

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