ENQUÊTE TF1 - Règlements de comptes à Marseille : qui sont les tueurs à gages ?

par M.D. | Reportage vidéo TF1 Julien Cressens, Adam Mersi Bakchich
Publié le 29 mai 2023 à 20h38, mis à jour le 30 mai 2023 à 6h48

Source : TF1 Info

À Marseille, les habitants ne comptent plus les fusillades et règlements de comptes liés au trafic de drogue.
Pour éliminer leurs rivaux et contrôler un territoire toujours plus grand, les trafiquants font appel à des tueurs à gages, souvent très jeunes.
Le 20H de TF1 a enquêté sur leur inquiétant profil.

La cité de la Paternelle, dans les quartiers nord de Marseille, est depuis plusieurs mois le théâtre d’une guerre de territoires entre bandes rivales, sur fond de trafic de drogues. Dans la vidéo ci-dessus, une équipe de TF1 se rend sur place en caméra cachée, accompagnée d’Antoine, un trafiquant repenti. Il y a quelques mois encore, le jeune homme vendait de la drogue dans ce quartier, l’un des points de deal les plus importants de la cité phocéenne. Mais plus aucune trace des trafiquants aujourd’hui. 

"Là, normalement à droite, il y a les deux vendeurs. Celui qui s’occupe du shit et celui de la ‘mash’, la cocaïne. Et là, plus rien… Il n’y a pas de guetteurs, il n’y a rien du tout. C’est désert", constate Antoine, depuis le véhicule à bord duquel il circule avec nos journalistes. Dans cette cité des quartiers nord de Marseille, au moins trois personnes sont mortes dans des règlements de comptes depuis fin février. 

Comme beaucoup de trafiquants, Antoine dit avoir fui la guerre sanglante que se livrent deux gangs, les Maga et les Yoda. "Ça tire... Il y a des coups de pression, des coups de feu en l’air. Tout pour faire partir l’ennemi. C’est un territoire de guerre", décrit le jeune homme, qui ne nous montrera pas son visage. Des affrontements sanglants entre bandes rivales qui ont déjà coûté la vie à deux membres de son gang. 

"J’ai perdu plusieurs amis. C’était triste. Je pensais à leurs parents. Si c’était moi, comment mes parents ils allaient faire, comment ils allaient réagir ?", raconte Antoine. "J’avais une sorte de mauvais pressentiment quand j’étais là-bas". Le jeune homme, terrifié à l’idée de subir le même sort, a préféré tout arrêter.  

Un suspect arrêté par la police

En mars dernier, dans un autre quartier de Marseille, un homme a été tué par balle par un individu, qui a ensuite pris la fuite à bord d’un véhicule. À peine quelques jours plus tard, deux adolescents ont péri lors d’une fusillade. Matteo, 18 ans, est le principal suspect de ces assassinats. Dans la vidéo publiée sur la messagerie cryptée Telegram que montre notre reportage, il se vante des contrats qu’ils auraient passés pour tuer des individus. "Je vais enchaîner les contrats, frérot. Je vais le descendre (…) Sur la vie de ma mère, tu vas te jurer mon sang. Sur la vie de ma mère, tu vas péter un plomb", lance-t-il. 

L’individu, soupçonné d’être un tueur à gages, a été arrêté par la police et mis en examen pour trois assassinats. Recourir à des jeunes gens à peine sortis de l’adolescence pour exécuter des ennemis, la pratique serait de plus en plus répandue à Marseille. C’est en tout cas ce qu’affirment plusieurs dealers de cette cité, où les trafiquants viennent le plus souvent d’Afrique ou bien d’Italie.

Il y a une trentaine ou une quarantaine d’années, un tueur à gages pouvait taper jusqu’à 100.000 euros
Un policier marseillais

Selon eux, les gangs recrutent en postant des annonces sur des réseaux sociaux. "Dans des vidéos privées, sur Snapchat ou Telegram", nous explique l’un d’eux. Les candidats retenus doivent se filmer avant le passage à l’acte. "La vidéo, c’est pour prouver qu’ils vont bien venir pour tirer sur des gens du quartier. C’est aussi pour humilier la personne qu’ils vont cibler. C’est une déclaration de guerre", souligne-t-il. Ce type de contrat se monnaie entre 3 000 et 5 000 euros, à en croire ce trafiquant. 

Côté police, on s'alarme face de l'ampleur que prend le phénomène. "Il y a une trentaine ou une quarantaine d’années, un tueur à gages pouvait taper jusqu’à 100.000 euros, Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance police pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. On est dans un climat très malsain, avec des mecs qui n’ont aucune expérience, qui sont prêts à tout pour montrer qu’ils sont capables de tuer des mecs. Et ça, franchement, c’est assez flippant." Depuis le début de l’année, 21 personnes ont perdu la vie à Marseille lors de règlements de comptes liés au trafic de drogues.


M.D. | Reportage vidéo TF1 Julien Cressens, Adam Mersi Bakchich

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