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Immigration, Ukraine, impôts... Nos 6 vérifications après le débat pour la présidence LR

L'équipe des Vérificateurs
Publié le 22 novembre 2022 à 7h00

Source : TF1 Info

LCI a accueilli lundi soir l'unique débat télévisé entre les 3 candidats à la présidence des Républicains.
L'équipe des Vérificateurs était mobilisée pour vérifier en direct leurs déclarations au cours de la soirée.

Alors que le premier tour du congrès des Républicains se tiendra les 3 et 4 décembre, Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Aurélien Pradié ont débattu sur le plateau de LCI pour défendre leur vision et mettre en avant leur singularité. Un échange dont l'équipe des Vérificateurs n'a pas manqué une miette. Retrouvez les propos des trois candidats que nous avons décortiqués sur les différentes thématiques abordées au cours de la soirée.

Quelles capacités françaises en cas de conflit ? 

Après une phase d'introduction, les trois candidats ont été interrogés sur ce qui constitue l'événement majeur de l'actualité française et internationale, à savoir la guerre en Ukraine. Et parmi les questions cruciales de ce dossier, il y a évidemment l'engagement de la France dans ce conflit. Interrogés sur l'état des forces armées et sur le budget alloué à la Défense (43,9 milliards d'euros prévus pour 2023), Bruno Retailleau a regretté qu'en l'état, l'armée française ne pourrait tenir "qu'un front de 80 kilomètres". Un chiffre que l'on retrouve effectivement dans la presse. Relayé le 5 octobre par L'Opinion, il s'appuyait sur des déclarations de l'État-major de l'armée de terre, qui considère que près de 6000 hommes et 1500 véhicules sont nécessaires pour tenir un front de "20 kilomètres". En comparant cette moyenne aux effectifs de l'armée, le quotidien a donc évalué que ce corps de l'armée ne pourrait couvrir que 83 kilomètres. Mais attention, ces chiffres s'appuient sur les seuls rangs de l'armée de terre. Ils ne prennent en compte ni les effectifs de l'armée de l'air, ni ceux de la Marine nationale. Avec jusqu'à 45 avions de chasse, un groupe aéronaval et le porte-avions Charles-de-Gaulle, ces capacités seraient démultipliées dans le cas d'un conflit armé.

Impôts et fiscalité

La France, championne mondiale des impôts avec le Danemark ? 

En matière de fiscalité, Éric Ciotti s'est prononcé en faveur d'une baisse d'impôts pour les Français. Preuve en est pour le candidat, la France est "gagnante de la Coupe du monde de l'impôt". "Nous sommes le pays qui, avec le Danemark, payons le plus d'impôts au monde". Éric Ciotti a eu raison d'inclure le Danemark dans sa comparaison. Car avec un taux d'imposition de 45,4% en 2020, la France n'est pas la première des pays de l'OCDE en matière de fiscalité, mais bien deuxième derrière le Danemark, qui a un taux d'imposition de 46,5%.

Par ailleurs, France Stratégie souligne dans une note publiée en 2020 que "la France réduit plus fortement qu'ailleurs les inégalités" de revenu. Une baisse des inégalités évaluée à 25% en France, "soit près de 10% de plus qu'en médiane européenne", grâce à "l'effet des prestations sociales en espèces" et des "prélèvements obligatoires directs". 

34% de personnels administratifs dans nos hôpitaux ? 

Bruno Retailleau a critiqué le manque d'efficacité des services publics en prenant pour exemple l'hôpital, où la bureaucratie serait considérable. "Vous avez 34% de postes administratifs" dans ces établissements, a assuré le sénateur LR, contre "25% en Allemagne". Ces chiffres proviennent de l'OCDE et commencent à dater puisqu'ils remontent à 2016, comme nous l'expliquions en 2020. Ils font référence à des personnels non médicaux dans les hôpitaux (et donc pas forcément administratifs), mais la comparaison avec l'Allemagne est à prendre avec des pincettes. En effet, les différents pays européens ne comptabilisent pas de la même manière le personnel des hôpitaux. Quand certains incluent à l'intérieur de cette catégorie le personnel de nettoyage ou les techniciens, d'autres ne recensent que les stricts personnels administratifs.

La Fédération hospitalière de France, qui s'appuie sur des données de la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (Drees), soutient que la filière administrative représente seulement "13% des 310.000 salariés du secteur hospitalier privé contre 10% du 1,05 million de salariés du secteur hospitalier public". La Drees justement, dans une publication de juillet 2021, recense le personnel administratif comme "le personnel de direction salarié et les autres personnels administratifs salariés", et donc intègre aussi le personnel médical. L'administration publique note que la part dans les effectifs salariés hospitaliers des aides-soignants (21,1 % fin 2018) et du personnel administratif (10,8% fin 2018) est restée globalement stable depuis quinze ans. Nous sommes ici à des niveaux très inférieurs à ceux évoqués par le Sénateur de Vendée.

Immigration

Un quart des détenus étrangers ?

Le sujet de l'immigration a également été abordé au cours de ce débat. Une question sur laquelle les trois candidats ont fait preuve de fermeté et partagé leur inquiétude. Notamment en faisant le lien entre délinquance et immigration. Pour expliquer sa crainte, Éric Ciotti a cité un chiffre : 25% des détenus dans les prisons françaises seraient d'origine étrangère. Un chiffre authentique... Mais qui ne signifie pas grand-chose. Effectivement, selon des données du ministère de la Justice, publiées au mois d'octobre 2021, on trouvait plus de 69.170 détenus dans les prisons du pays, dont près de 17.200 étrangers. Soit 24,9% d'hommes et femmes derrière les barreaux n'ayant pas la nationalité française. Un chiffre disproportionné par rapport à la part d'étrangers dans la population française, qui s'établit à 7,6% en 2020 d'après l'Insee. 

Les étrangers sont donc surreprésentés derrière les barreaux. Reste à en connaitre la cause. Est-ce le résultat d'une prétendue sorte de prédisposition à la délinquance de ces populations comme le laisse entendre le député ? Ou simplement le fruit des classes sociales dont sont originaires certains étrangers s'accompagnant de "réflexes judiciaires" à leur égard ? Difficile d'être conclusif. En tout cas, des chercheurs du CNRS se sont penchés sur la question en octobre 2020 et appellent à la prudence. Tout d'abord, ils notent que "dans 99,2% des condamnations de personnes de nationalité étrangère, les infractions sont des délits – dont plus de 55% concernent la circulation routière et des vols – et dans seulement 0,8% des crimes". On constate aussi que la surreprésentation des personnes immigrées et leurs descendants parmi les personnes interpellées a été décrite par de multiples études comme une conséquence du "traitement discriminatoire dont sont victimes les personnes immigrées (étrangères ou pas) et leurs descendants, à commencer par les contrôles au faciès". Comme nous vous l'expliquions dans cet article, ce chiffre ne suffit pas à prouver un lien entre immigration et délinquance.

2,5 milliards d'habitants en Afrique à l'horizon 2050 ?

L'immigration constitue un défi majeur pour l'avenir, selon Aurélien Pradié. Le benjamin des trois candidats estime qu'il est important d'agir aujourd'hui, a fortiori parce que l'Afrique est amenée à voir sa population croître de manière considérable. Il a évoqué l'hypothèse d'une population qui pourrait atteindre "2,5 milliards" d'individus d'ici à 2050 sur le continent. Le candidat reprend ici des estimations réalisées par les Nations Unies, qui évaluent la population de l'Afrique entre 2,2 et 2,7 milliards dans moins de 30 ans. Une source crédible, donc, d'autant qu'elle est recoupée en France par des travaux de l'Institut d'études démographiques, l'Ined.

Attention cependant, ces évolutions restent encore largement hypothétiques. Il s'agit de projections réalisées sur le temps long et qui peuvent être soumises à d'importantes variations en fonction du contexte mondial. Guerres, changements climatiques, bouleversements politiques... Rien ne permet pour l'heure d'assurer avec certitude que les chiffres avancés se confirmeront à cet horizon. Pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez retrouver notre article à ce sujet ici

Retraites

Un futur retraité sur dix se trouve en invalidité ?

Aurélien Pradié se singularise de ses concurrents sur la question des retraites. Il estime ainsi qu'un report de l'âge de départ à la retraite serait "injuste" et l'explique par le fait qu'"un Français sur dix" finit "les neuf dernières années de travail en invalidité". Un chiffre assez proche de la vérité. Selon un récent rapport Drees, le nombre de bénéficiaires d'une pension d'invalidité augmente avec l'âge, à mesure que l'âge de départ à la retraite approche. Fin 2020, on dénombrait 9100 pensionnés de 40 ans, 27.400 de 50 ans et 70.800 de 60 ans. La part des bénéficiaires de cette pension au sein de la population augmente, elle aussi, avec l'âge pour atteindre quasiment 9% parmi les personnes de 61 ans, soit juste avant l'âge minimal d'ouverture des droits à retraite.

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