Conflits à la campagne : l'agriculteur condamné à cause du bruit et de l'odeur de ses vaches témoigne

par La rédaction de TF1info | Reportage Mathilde Guénégan, Philippe Véron,
Publié le 13 décembre 2023 à 11h50

Source : JT 20h Semaine

La condamnation de Vincent Verschuere, éleveur bovin dans l'Oise, à verser plus de 100.000 euros à des riverains se plaignant du bruit et de l'odeur de ses vaches, a été confirmée la semaine dernière.
Depuis quelques années, les conflits entre agriculteurs et "néo-ruraux" se multiplient.
Une équipe de TF1 s'est rendue dans la ferme de Vincent Vershuere et se penche sur ces contentieux qu'une proposition de loi veut limiter.

On aime la campagne pour ses beaux paysages, sa verdure, ses animaux. Mais pour certains, le chant du coq au réveil est intolérable. Les habitants importunés n'hésitent pas à lancer des procédures judiciaires, comme à Saint-Aubin-en-Bray, dans l'Oise, petit village de 1000 âmes... et ses vaches de la discorde. "Tu veux dire bonjour ? Qu'est-ce que tu as à dire pour ta défense ?", lance Vincent Verschuere à l'une d'elles. Cet éleveur bovin vient d'être condamné à 106.000 euros de dommages intérêts pour le bruit et l'odeur de ses vaches, la Cour de cassation ayant rejeté jeudi dernier le pourvoi qu'il avait déposé. 

Au cœur de la bataille judiciaire avec six de ses voisins, un hangar de près de 3000 mètres carrés construit en 2010. Ce bâtiment abrite 150 bêtes l'hiver et il est aujourd'hui menacé de démolition. Une "incompréhension" pour Vincent Vershuere, qui assure avoir "tout respecté" : "On a demandé toutes les autorisations pour faire ce bâtiment". 

Il a repris l'exploitation familiale, les Vincent Verschuere étant éleveurs de bovins dans le village depuis quatre générations. "C'est le dossier de la procédure", lance sa mère Chantale, un carton volumineux dans les bras, 13 ans de combat judiciaire lourds à porter. Avec son mari Michel, ils pourraient prendre leur retraite, mais ils continuent pour soutenir leur fils, se disant inquiets pour son avenir. "Si on avait su ça, on ne l'aurait pas installé", lâche Michel avant de laisser éclater un sanglot. "Les bêtes ont toujours été là, souligne de son côté Chantale. Pour moi, on a perdu l'esprit du village de toute façon. ( ) Ils arrivent là, ils voulaient beaucoup de verdure, le silence, les oiseaux. Je ne sais pas ce qu'ils voulaient...". 

Le village s'est déchiré, comme le révèlent nos échanges avec les voisins hors caméra : "Un matin, je suis parti travailler et le soir, le hangar était là"; "Ça a divisé la rue... En plus, les plaignants les plus virulents se sont barrés"; "C'est la campagne. Nous, les vaches ne nous dérangent pas". 

Une proposition de loi veut prendre le taureau par les cornes

On ne compte plus le nombre d'animaux traduits ainsi en justice ces dernières années. Il y a eu le coq Maurice, les cigales en Provence. En Bretagne, c'est même l'odeur de la galette dégagée par une crêperie qui a dérangé. Dans le Morbihan, la situation était ingérable : jusqu'à 700 plaintes par an pour troubles du voisinage. Alors il y a deux ans, le préfet et les notaires sont passés à l'acte en insérant une nouvelle clause dans les contrats de vente. L'acquéreur est désormais informé de l'environnement proche de son bien et des activités économiques autour, et s'engage à renoncer "à exercer tout recours contre le vendeur à quelque titre que ce soit". "On était précurseurs puisque cette clause n'existait pas dans nos actes de vente et qu'on l'a rédigée, créée, insérée et qu'elle a été assez rapidement généralisée", se félicite Olivier Arens, ancien président de la Chambre des notaires du département.  

L'idée a même été reprise par la députée du Morbihan Nicole Le Peih, qui veut l'inscrire dans la loi. Ancienne agricultrice, elle est l'auteure d'une proposition de loi adoptée à l'Assemblée début décembre, qui sera étudiée au Sénat début 2024 en procédure accélérée. "On marche de plus en plus sur la tête, explique-t-elle face à notre caméra. Cette société qui n'accepte plus, ce n'est pas possible à long terme. Moi, je vous renvoie la même chose quand je viens à Paris : j'ai le bruit des klaxons des voitures. Je ne vais pas intenter un procès pour cela". 

Une avancée majeure, mais qui ne résoudra pas tous les problèmes. Dans nos campagnes, chaque nouveau projet fait polémique, comme à Hourtin, en Gironde, où nous emmène la suite de notre reportage à retrouver en tête de cet article : là, c'est une future usine de granulés de bois qui pose problème.


La rédaction de TF1info | Reportage Mathilde Guénégan, Philippe Véron,

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