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"4,6 fois plus d'argent pour les enfants de bourgeois que pour ceux du populo" : la région Ile-de-France favorise-t-elle les lycéens du privé ?

Publié le 4 janvier 2023 à 16h52, mis à jour le 6 janvier 2023 à 9h44

Source : Sujet TF1 Info

La Région Île-de-France est mise en cause, accusée de favoriser les lycéens du privé au profit de ceux du public.
On peut lire en ligne que ces derniers bénéficieraient de dotations plus de 4 fois supérieures.
C'est faux, mais une récente mesure budgétaire décidée par la Région et qui pénalise les établissements publics fait bondir les syndicats.

À la tête de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse fait l'objet d'une série de critiques liées à la gestion des lycées. Une conseillère régionale communiste déplore que "pour la 1ʳᵉ fois depuis la décentralisation, la dotation régionale aux lycées publics est inférieure à celle des lycées privés", de l'ordre de "65,5 millions d'euros contre 69 millions d'euros"

Dans la foulée, des internautes rebondissent sur ces propos et assurent sur les réseaux sociaux que "la dotation par élève est de 156 euros dans le public contre 725 euros dans le privé". Une large différence, qui représente "4,6 fois plus d'argent pour les enfants de bourgeois que pour ceux du populo", tacle un message largement relayé et consulté près de 200.000 fois. Des affirmations trompeuses, même si la grogne est réelle dans les lycées publics d'Île-de-France.

Taper dans ses économies

La présentation fin 2022 du budget alloué aux lycées franciliens par la Région a fait grincer des dents : une baisse de la dotation de fonctionnement versée aux établissements publics pour 2023 a été entérinée, aboutissant à des économies dépassant les 17 millions d'euros. Soit une forme d'écrêtage : "Plutôt que de donner la somme habituelle, la Région a demandé aux établissements d'aller chercher dans les réserves qu'ils avaient et qui étaient le fruit d'économies potentielles d'années précédentes", a résumé le secrétaire général du SNPDEN-Unsa Bruno Bobkiewicz au micro de BFM Paris-Ile-de-France. Des lycées, qui avaient provisionné des sommes en vue d'investissements futurs, se trouvent ainsi ponctionnés. 

Des dotations bien supérieures pour le privé ?

Cette décision budgétaire contribue-t-elle à faire chuter massivement la dotation par élève dans le public et à avantager ceux du privé ? "Des allégations totalement fausses et mensongères", nous réplique la Région Île-de-France. Si les lycées privés reçoivent des fonds (comme le forfait d’externat), une "obligation strictement encadrée par la loi pour la région de soutenir les charges en fonctionnement pédagogique et administratif", ainsi qu'une série d'autres aides, celles-ci sont bien inférieures au soutien apporté dans le public, nous assure-t-on.

 "Le budget dédié au public dépasse 1,1 milliard d'euros", soit un "budget par élève de 2608 euros", tandis que "le budget dédié aux lycées privés sous contrat s’établit à 88 millions d'euros" et un "budget par élève de 917 euros". Nous serions donc loin d'un déséquilibre flagrant en faveur des élèves du privé.

Obligation de traiter de manière égale les élèves du public et du privé

Responsable de la Fédération syndicale unitaire (FSU) pour l'Île-de-France, Jean-François Gay invite à prendre du recul sur les chiffres avancés. Il est nécessaire, assure-t-il, de différencier dépenses de fonctionnement et investissements. En effet, il rappelle que "si l'investissement dans les lycées publics relève d'une compétence régionale ", ce n'est pas le cas pour les structures privées. La construction d'un nouveau lycée ou son agrandissement sera toujours pris en charge par la Région pour un établissement public, mais pas pour le privé. 

Se focaliser sur les dotations relatives au seul fonctionnement aboutit en effet au constat suivant : avec un budget de 335 millions d'euros pour le public en 2023 (et 427.500 élèves environ) contre 72 millions d'euros dans le privé (96.000 élèves), les dépenses par élèves sont très proches. De l'ordre de 780 euros dans le public, contre approximativement 750 euros dans le privé. Mais "aucun élément ne démontre un soutien supérieur au privé", tranche Jean-François Gay, qui a pourtant épluché les éléments du budget avec attention. La Région, à l'instar des autres collectivités, est tenue par "l'obligation légale de traiter de manière égale les élèves du public et du privé", ajoute-t-il, sans compter qu'un "contrôle de légalité" est assuré par le préfet.

Concentrés sur les 17,7 millions d'euros réduits de la dépense générale de fonctionnement pour 2023, les reproches adressés à la Région Île-de-France ont été entendus, mais la décision est pleinement assumée. Il s'agit, nous assure-t-on, d'une "mesure en gestion raisonnable", portant sur des sommes issues de "trésoreries non affectées". L'institution souligne par ailleurs que les établissements concernés sont ceux "ayant un fond de roulement supérieur à 3 mois". Elle estime ainsi que les capacités d'investissements sont préservées.

Un agacement palpable côté syndical

Du côté des syndicats, on insiste plutôt sur "une absence totale de dialogue social de la Région", qui a décidé ces mesures d'économies budgétaires sans concerter les personnels ni informer au préalable les organisations représentatives du monde enseignant. Les investissements consentis pour les établissements publics sont réels, mais "insuffisants" par rapport aux besoins. "Le parc était vétuste, c'est vrai, des projets ont été lancés... Mais on manque aujourd'hui de visibilité et de fonds, surtout quand on se penche sur l'état qui reste celui du parc immobilier". Et ce, "sans parler des équipements et établissements sportifs", lance le représentant de la FSU, pointant par exemple un manque criant de piscines.

On note enfin que les sommes récupérées dans le budget 2023 (17 millions d'euros) sont quasi équivalentes à celles données aux lycées privés pour soutenir leurs investissements. Or, "les collectivités n'ont aucune obligation de le faire", tonne Jean-François Gay. D'ailleurs, soutient-il, "les socialistes ne le faisaient pas"

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Thomas DESZPOT

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