VIDÉO - Encadrement des loyers : comment de nombreux propriétaires contournent la loi

par N.K | Reportage TF1 Laura Baqué, Adam Mersi, Coline David
Publié le 15 août 2023 à 7h00, mis à jour le 15 août 2023 à 11h51

Source : JT 20h Semaine

L'encadrement des loyers existe depuis près de dix ans, mais des locataires découvrent souvent que la mesure a été contournée par leur propriétaire.
Pas moins de 40% des annonces dépasseraient les plafonds de loyers fixés par la loi.
Une équipe de TF1 a mené l'enquête.

Vincent Brunet, étudiant, paie 460 euros par mois depuis trois ans pour une chambre de 14 mètres carrés dans un appartement de Lille (Nord). Dans la ville, les loyers sont encadrés depuis le 1ᵉʳ mars 2020. Pour rappel, selon le site de l'administration française, le loyer de base – soit le montant du loyer hors charges et hors complément de loyer – ne doit pas dépasser de 20% le loyer de référence en vigueur à la signature du bail. Ce dernier, fixé chaque année par arrêté préfectoral, dépend de  l'emplacement et des caractéristiques du bien.

C'est par hasard que Vincent, qui témoigne dans le reportage du 20H de TF1 à retrouver en tête de cet article, a découvert que son loyer aurait dû être plafonné à 168 euros. En relisant son bail, l'étudiant lillois s'est aperçu que le sien était constitué de deux parties : "Le loyer de base à 168 euros, et le complément de loyer à 292 euros." 

Pour justifier ce complément de loyer, le propriétaire du jeune homme mentionne dans le bail que les meubles sont de grande qualité. Une réalité qui semble pourtant tout autre, comme en témoigne le tiroir d'un placard que Vincent peine à fermer. "Je paye un loyer trop cher par rapport à ce que je devrais payer, sans que ce soit réellement justifié", déplore l'étudiant. Cette pratique est fréquente dans les grandes villes où les loyers sont plafonnés, comme Paris, Lille, Lyon, Bordeaux ou encore Montpellier.

Des abus fréquents

D'après les professionnels du secteur, 40% des annonces de location dépassent ainsi les plafonds de loyers fixés par la loi. Un complément de loyer est alors ajouté par le propriétaire. Cette pratique n'est pas illégale, mais les abus sont fréquents

Face à l'ampleur du phénomène, le site Particulier à Particulier (PAP), spécialisé dans l'immobilier, tente de les limiter. Les salariés peuvent ainsi être amenés à appeler les propriétaires postant des annonces sur le site s'ils constatent un dépassement de loyer. Certains semblent connaître la réglementation, comme celui, contacté devant notre caméra par un employé de la plateforme, qui assure être "tout à fait au courant" et fait valoir que "c'est un meublé", même si cette caractéristique ne l'exempte pas de l'encadrement des loyers. D'autres essaient de se justifier en mettant en avant les atouts de leur bien. "Vous êtes en plein sud et vous êtes derrière l'église, c'est magnifique. En plus, il y a un balcon !", tente d'argumenter une propriétaire au téléphone.

Le complément de loyer pas clairement défini

Parmi les propriétaires, peu sont enclins à faire baisser le prix de leur location. "Si vous avez un loyer à 1000, 1100 euros, et qu'on vous demande de baisser de 100 euros, c'est acceptable. Mais dans le cas des très petites surfaces, on parle souvent de baisses de l'ordre de 30%", explique Corinne Jolly, présidente de PAP. Selon cette dernière, il est rare qu'un propriétaire "accepte de baisser à ce point son loyer, d'autant qu'il n'aura pas de difficulté à trouver un locataire"

Si les propriétaires en profitent pour faire grimper la facture, c'est que le complément de loyer n'est pas clairement défini. Selon Hélène Le Gall, directrice générale des Agences départementales d'information sur le logement (ADIL) de Paris et du Val-de-Marne, la loi porte à confusion. Cette dernière "ne donne pas une définition précise, il y a un flou concernant ce complément de loyer qui n'est pas forcément bien compris des locataires et des propriétaires", affirme Hélène Le Gall, qui précise que les locataires et les propriétaires "ne savent pas à quoi [la loi] correspond et comment ils peuvent s'en servir et s'en saisir"

Pour contester un complément de loyer, le locataire n'a que trois mois pour se retourner à partir de la signature de son bail. Il devra alors saisir la commission départementale de conciliation (CDC), qui aide les bailleurs et les locataires à trouver une solution amiable à leur litige pour éviter un recours au tribunal. Comme le rappelle le site de l'administration française, ce sera au propriétaire de prouver que le complément de loyer est justifié.


N.K | Reportage TF1 Laura Baqué, Adam Mersi, Coline David

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