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VIDÉO - Guerre numérique : comment des trolls russes se font passer pour des médias français

Publié le 26 avril 2024 à 19h54, mis à jour le 28 avril 2024 à 9h47

Source : JT 20h WE

Des médias français, dont TF1, sont victimes d'usurpation d'identité de la part de comptes prorusses.
Une vaste entreprise de désinformation, derrière laquelle se cachent des entreprises russes de communication.

On le sait, la propagande russe redouble d’imagination et va jusqu'à soumettre des fausses informations directement à des médias français en leur demandant de les vérifier... et participant ainsi à leur donner de l’écho. Parmi elles, des faux reportages et des faux graphiques usurpant l'identité de plusieurs titres sont parfois disséminés. Si TF1 a été visée plusieurs fois, les rédactions de RFI, de France 24 ou d’Euronews ont également été concernées, comme l'explique Samira El Gadir dans la vidéo du 20H en tête de cet article.

Une trentaine de médias visés

Sur le fond, certains de ces sujets ont porté sur l'organisation des Jeux olympiques à Paris en juillet prochain, avec l’objectif de décrédibiliser la France. Par exemple, selon un faux tableau utilisant la charte graphique de TF1, les réservations pour les JO auraient chuté à chaque intervention d'Emmanuel Macron sur l'Ukraine. Selon une note interne dont TF1 a eu connaissance, les services de renseignements français portent d'ailleurs une "vigilance particulière" à ces détournements. Il s'agit de limiter leur impact auprès du public francophone et d'éviter de nourrir les messages des groupes anti-JO. Au total, 15 médias européens ont déjà fait l’objet de faux reportages et 35 de faux articles, d'après des chiffres transmis par l’ONG EU DisinfoLab. 

TF1, France 24... Moscou usurpe l'image des médiasSource : TF1 Info
Euronews et TF1 ont été victimes d'un vol de leur charte graphique par des chaines Telegram prorusses.
Euronews et TF1 ont été victimes d'un vol de leur charte graphique par des chaines Telegram prorusses. - DR

Souvent, ces fausses informations tombent dans les boites mail des services de fact-checking des rédactions, comme la nôtre, pour ne pas passer inaperçues. Mais elles naissent d'abord sur des chaines Telegram russes avant de se propager, parfois via des faux comptes, sur des réseaux sociaux plus grand public comme X ou TikTok. Elles sont également relayées par des sites internet russes, comme Pravda. Un site existant en plusieurs versions linguistiques et contribuant à diffuser massivement des fausses nouvelles, qui a d’ailleurs été épinglé par les services français de Viginum dans l’opération "Portal Kombat", où près de 200 sites ont été identifiés comme des relais de la propagande russe. 

Des sociétés russes très influentes

Mais penchons-nous sur l’aspect opérationnel d’une telle entreprise de désinformation qui nécessite forcément des moyens, aussi bien humains que financiers. Ces "trolls russes", comme on les appelle, sont aujourd’hui au cœur d’une véritable industrie destinée à modifier le récit de la guerre en Ukraine et à fragiliser les régimes occidentaux, soutiens de Kiev. Derrière cette vaste campagne coordonnée, se cachent des communicants et des stratèges politiques russes, à commencer par Ilya Gambachidze.

Cet homme et ses deux entreprises, la Social Design Agency et Struktura, sont suspectés d’avoir orchestré plusieurs campagnes de désinformation russes. Et notamment celle de"Doppelgänger" ("double" en allemand), l’une des premières ayant ciblé les alliés de l’Ukraine. Depuis, ses sociétés figurent sur les listes des sanctions européenne et américaine et sont considérées par Washington comme des "acteurs soutenant les efforts de désinformation dirigés par le Kremlin".  

Fin mars, le service des Vérificateurs a reçu des mails l'incitant à vérifier une fausse information autour d'une chute des réservations pendant les JO.
Fin mars, le service des Vérificateurs a reçu des mails l'incitant à vérifier une fausse information autour d'une chute des réservations pendant les JO. - DR

"On a affaire à des entreprises qui sont spécialisées là-dedans et qui peuvent faire ça pour un client gouvernemental le lundi, et puis pour vendre des chaussures le mardi ou vendre des burgers le mercredi, souligne d'ailleurs Alexandre Alaphillipe, cofondateur d’EU DisinfoLab, auprès des Vérificateurs. Ce sont les mêmes techniques de marketing qui sont mises en place, sauf qu’ici, elles sont faites très clairement dans un but de perturber le jeu démocratique". 

D’après des documents obtenus par le Washington Post et attribués à des agences de communication œuvrant pour le compte du Kremlin, cette entreprise de désinformation vise aussi de près les États-Unis, principal soutien de l’Ukraine. Pour ce faire, ces sociétés peuvent compter sur des dizaines de salariés et de traducteurs de fermes à trolls, qui s'emploient chaque semaine à produire des comptes rendus sur les sujets les plus discutés sur les réseaux sociaux américains, mais aussi sur la diffusion de leurs messages dans la société américaine. 

À propos des pertes ukrainiennes attendues au moment de la contre-offensive, "l’efficacité de la transmission de l’information était de 1,7%", peut-on lire en russe sur l’un des documents. Il semble que les efforts fournis ici trouvent déjà des répercussions concrètes. D'après la BBC, le vote de l’aide américaine envers Kiev aurait été directement influencé par l’omniprésence de ces fausses nouvelles. 

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Caroline QUEVRAIN, Samira EL GADIR

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