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Une entreprise qui réalise d'importants profits peut-elle supprimer des postes, comme le fait la BNP ?

Publié le 8 février 2023 à 19h00

Source : Sujet TF1 Info

Première banque française, BNP Paribas entend supprimer 921 postes en France.
Une annonce qui intervient alors que la maison mère a affiché en 2022 un bénéfice net record de plus de 10 milliards d'euros.
Les spécialistes du droit du travail soulignent que les entreprises peuvent réduire leurs effectifs, y compris en période de forts profits, mais sous certaines conditions.

Pressenties depuis plusieurs semaines, des suppressions d'emplois sont entérinées du côté de BNP Paribas. Des sources syndicales ont indiqué en ce début de semaine que 921 postes seraient concernés en France. Il s'agira de réductions effectuées en grande majorité dans les services dits fonctionnels (finance, informatique, marketing...), les autres visant les services opérationnels (centres d'appels, agences Cofinoga, etc.)

L'officialisation de ces futurs départs s'est accompagnée d'une autre annonce, plus positive celle-ci pour le groupe bancaire. BNP Paribas a effet rapporté avoir conclu 2022 avec un bénéfice net record. Soit plus de 10 milliards d'euros. Dès lors, le timing pour annoncer des réductions de postes apparaît quelque peu malheureux. Une situation qui pose une question simple : un groupe très rentable peut-il en toute légalité réduire ses effectifs ?

Le plan de départ volontaire diffère du licenciement

La banque s'est montrée très claire : si elle entend bien couper dans ses effectifs, elle assure que les suppressions de postes se feront sans départ contraint. Une précision d'importance puisque l'entreprise exclut, de fait, toute forme de licenciement. Avocate au barreau de Paris, Marine Chamboulive est spécialisée dans le droit social, le droit de la sécurité sociale et en RSE. Elle souligne à TF1info que dans ce cadre, l'on se dirige assez naturellement vers un plan de départ volontaire. On en recense essentiellement deux : "ceux dits autonomes", tout d'abord, qui ne sont le plus souvent pas motivés par des motifs strictement économiques et "pas forcément suivis pas des licenciements ou des plans de départ contraints". Les autres sont qualifiés d'hybrides, "et suivis le plus souvent de plans de départ contraints", notamment lorsque le nombre de salariés volontaires pour un départ de l'entreprise n'est pas suffisant.

Pour une société privée, mettre sur pied un plan de départ volontaire présente des avantages. "Il n'est pas régi par le droit du Travail et se révèle plus souple, plus rapide qu'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ou des licenciements pour motifs économiques". Moins coûteux, moins long, il permet aussi d'éviter des "contraintes juridiques supplémentaires", ainsi que le respect de "critères d’ordre pour les départs". La mise en place d'un tel plan, quand il rentre dans la catégorie de ceux "autonomes", ne requiert par d'invoquer des arguments économiques pour se voir diligenté. Il se traduit par une négociation entre l'entreprise et le salarié, aboutissant à la signature "d'une convention amiable de rupture", note Marine Chamboulive. "L'employeur peut tout à fait mettre en avant des questions de compétitivité, ou encore de réorganisation stratégique."

Contrairement à un licenciement économique qui est totalement subi par le salarié, le plan de départ volontaire s'assimile à un accord entre les deux parties et ouvre bien moins la porte à des contestations devant la justice. Il faut aussi noter que l'employé sur le départ bénéficie le plus souvent d'indemnités confortables, "fruit d’une négociation avec l’employeur" et dont le montant minimum "serait équivalent à celui de l’indemnité légale de licenciement", précise l'avocate. "Au-delà de cette incitation financière, l’employeur peut aussi proposer divers avantages, comme la prise en charge d’une formation", ajoute-t-elle. Afin de parvenir à atteindre le nombre de départs souhaité, l'entreprise a tout intérêt à proposer des contreparties dignes de ce nom, sans quoi elle s'expose à voir ses salariés refuser toute idée de mobilité.

Les profits réalisés ne sont pas les seuls à devoir être surveillés

"D’expérience", glisse Marine Chamboulive, "vous allez souvent toucher des personnes qui ont des volontés de réorientation professionnelle", et pour lesquelles "un plan de départ volontaire peut constituer une vraie opportunité pour changer de vie". Rien à voir, donc, avec les salariés qui affrontent des licenciements économiques. Imposés aux individus concernés, ces derniers sont plus couteux pour les entreprises, et ne peuvent être motivés que par des motifs bien précis. Les "difficultés économiques", d'une part, mais aussi "les mutations technologiques au sein d’un secteur, les cessations d'activité ou une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité"

Dans le cas d'une annonce de suppression de postes par une entreprise, la question des profits réalisés n'est ainsi pas la seule à devoir être surveillée. Si un licenciement économique et un plan de départ volontaire aboutiront tous deux à une réduction des effectifs, la méthode et les modalités n'ont que très peu de points communs. En particulier parce que l'un s'effectue sans l'aval du salarié, quand l'autre est le fruit d'une négociation et ne peut aboutir qu'avec un accord entre les deux parties.

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Thomas DESZPOT

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