LA CHRONIQUE AUTO - Divorce ou séparation : qui garde la voiture ?

Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)
Publié le 8 novembre 2019 à 14h24
LA CHRONIQUE AUTO - Divorce ou séparation : qui garde la voiture ?
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ÉPINEUX - Certains couples peuvent se déchirer pour la garde d’un animal de compagnie. Mais la conservation de la (ou des) voiture(s) peut également s’avérer un sujet délicat lors d'une séparation. Les conseils de Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.

À l’évidence le droit de garde d’une voiture ou d’un autre véhicule n’est pas toujours la priorité au sein d’un couple qui traverse des difficultés dont, peut-être, il ne se relèvera pas. Attention cependant aux situations qui s'enlisent car négliger de régler la question peut entraîner d’insolubles difficultés. 

À qui la voiture ? Le certificat d'immatriculation ne vaut pas foi

Bien évidement, en fonction du régime matrimonial, les choses peuvent être plus ou moins claires. Mais les couples qui se séparent ne pourront pas forcément partir de l’idée que le véhicule appartient à celui qui est mentionné sur le certificat d’immatriculation. Ce document, comme son aïeule la carte grise, n’est en effet qu’un titre de police et non pas un titre de propriété. Un véhicule (une voiture, une moto, un van...) n’est en fait qu’un bien meuble dont la possession vaut titre. Il n’existe pas de titre de propriété d’un véhicule comme on peut l’avoir pour un bien immobilier. 

La jurisprudence était claire sur ce point depuis des années en matière de carte grise. Mais la rédaction des mentions présentes sur les certificats d’immatriculation (qui ont remplacé les cartes grises), avec notamment le terme de "propriétaire", a pu un moment laisser penser à certains que la jurisprudence pourrait évoluer. Cela n’a bien évidemment pas été le cas. La Cour de cassation vient d'ailleurs encore de rappeler sa position dans un arrêt du 11 septembre 2019 (n°19-80300).

Un faisceau d’indices pour régler la question

Confrontés à la question de la détermination du propriétaire d’un véhicule, les tribunaux utiliseront donc la méthode du faisceau d’indices en accumulant ceux qui peuvent révéler le propriétaire véritable : qui a commandé le véhicule, qui l’a payé ou qui en rembourse le crédit, au nom de qui est-il assuré et qui paye les primes d’assurance, qui l'entretient, au nom de qui sont établies les factures du réparateur ou du centre de contrôle technique, qui détient le véhicule, chez qui est-il stationné ? Et bien évidement, parmi ces nombreux indices, un juge pourra également regarder au nom de qui est établi le certificat d’immatriculation.

Et ce qui vaut dans un sens le vaut également pour l’inverse : il ne suffit pas d’établir un certificat d’immatriculation au nom d’une tierce personne pour pouvoir se prémunir contre les risques d’immobilisation et de confiscation judiciaire. Et ce n’est pas non plus en raison d’un certificat établi au nom des deux conjoints qu’un tribunal ne pourra pas confisquer un véhicule qui aurait servi à l’un des membres du couple à commettre un délit routier.

Le PV, c’est pour qui ?

La constatation par radar automatisé d’une infraction au Code de la route entraîne l’émission d’un avis de contravention envoyé au titulaire du certificat d’immatriculation à l’adresse mentionnée sur le certificat d’immatriculation. Attention donc à mettre à jour ce document sous peine de voir s’accumuler chez l’un des anciens conjoints une montagne d’avis de contravention ou de forfaits post stationnement qui ne seront peut-être pas transmis immédiatement au conducteur concerné du fait des difficultés de la séparation. 

On rappellera aussi que le Code de route (article R322-7) fait injonction au titulaire d'un certificat d’immatriculation d’informer l’administration d’un changement d’adresse ou d’un changement de propriétaire. 

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Et les points, c’est pour qui ?

À la suite de l’émission d’un avis de contravention, l’administration procédera au retrait de points à l’encontre de la première personne mentionnée sur le document (carte grise ou certificat d’immatriculation). La plupart du temps, la décision de retrait de points est générée par le paiement de l’amende forfaitaire ou l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée. 

Dans les deux cas, les risques sont grands.  Pensant bien faire, pour éviter une majoration, l'un des conjoints séparés peut par exemple régler l’amende pour son ancien(ne) compagne ou compagnon désormais croisé(e) rarement. Autre hypothèse : l’ancien(ne) conjoint(e) laisse les avis de contravention s’accumuler sans payer. L’administration procédera alors à l’émission d’amende forfaitaire majorée qui seront envoyées à la même adresse et les points commenceront à tomber.

Et c’est comme cela qu’un(e) une automobiliste aura la mauvaise surprise, à l’occasion parfois d’un banal contrôle de police, de découvrir que son capital de points a été réduit à zéro du fait des infractions certainement commises par un(e) ancien(ne) conjoint(e) circulant au volant d’un véhicule dont le certificat n’a pas été modifié. 

Maître Jean-Baptiste le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI.


Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L.V.)

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