Doit-on donner des surnoms aux parties intimes de nos enfants ?

Publié le 30 septembre 2019 à 16h17, mis à jour le 30 septembre 2019 à 16h27
Doit-on donner des surnoms aux parties intimes de nos enfants ?
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TABOU - Quand on est parent, on se préoccupe en général du sommeil ou des habitudes alimentaires de ses enfants mais on se sent tout à coup gêné quand il s'agit d'évoquer leurs parties intimes. Résultat, on préfère utiliser des surnoms enfantins plutôt que les vrais termes anatomiques. Cette habitude est-elle si anodine que cela ? Pas sûr...

"Nénette","minou", "zézette", "quéquette", "zizouille", "petite fleur", "founette", "rose" ou encore "nénuphar", l'imagination des pères et des mères est sans limite quand il s'agit d'évoquer les parties génitales de leurs enfants (plus particulièrement quand c’est une fille). Comme le révèle un sondage, réalisé par Eve Appeal, une association britannique qui œuvre pour prévenir les cancers gynécologiques, et relayé par Glamour, c'est même une habitude pour 44% des parents interrogés, qui admettent préférer emprunter des "euphémismes" au détriment des termes scientifiques exacts, considérés d'ailleurs comme "inappropriés" pour 31% des sondés. 

Et comme s’il existait un tabou autour de ces mots, toujours selon cette enquête, seulement 19% des parents emploient le mot vagin et 1% le mot vulve en présence de leur enfant. Des réponses pointées du doigt par l’association qui indique que même si ces parents pensent bien faire en optant pour des expressions plus "mignonnes", cela n’est pas forcément judicieux. Un avis partagé par le psychologue Samuel Comblez, auteur de La sexualité de vos ados, en parler, ce n'est pas si compliqué (Editions Solar) qui rappelle que les termes "pénis" ou "vagin" font partis de la langue française et ne sont en aucun cas des gros mots ! "Il s’agit d’une partie du corps au même titre que les bras ou les jambes", dit-il à LCI. 

Le surnom masque une gêne des parents, car le terme anatomique est trop lié à la sexualité
Samuel Comblez, psychologue

Alors pourquoi tant de circonvolutions ? "Le surnom est là, avant tout, pour masquer une gêne des parents, car le terme anatomique est trop lié à la sexualité. Si on était au clair, en tant qu'adultes, sur ce qu'il représente, on dirait vagin, pénis ou clitoris sans aucun problème, analyse notre spécialiste. Mais voilà, les parents ont peur de choquer leur enfant ou que ce soit trop tôt pour en parler. Résultat, on enrobe tout cela avec une terminologie enfantine pour que cela ait l'air un peu marrant, un peu mignon. Et cela permet de couper court aux questions qui gênent". 

Le problème c'est que cette attitude ne fait que repousser le moment où il va bien falloir appeler un chat, un chat. "A 15/16 ans, vous n'allez plus dire à votre fille qu'elle a une zézette, ou alors il y a quelques inquiétudes à avoir, ironise le psychologue. Il s'agit d'un sexe et il faut le nommer comme tel. D'où l'importance de reconnaître à l'enfant cette partie de son anatomie pour qu'il comprenne qu’elle n'est ni honteuse, ni à ignorer". 

D'autant que la fascination des tout-petits pour leur corps commence très tôt ! "Dès l'âge de 3/4 ans, ils ont une pratique masturbatoire mais quand on le dit cela choque beaucoup, explique Samuel Comblez. On imagine plutôt cela réservé à l'adolescent ou à l'adulte. Et bien pas du tout ! Les enfants se touchent dans un but de découverte de leur corps mais aussi de plaisir, et il ne faut pas s'en cacher. Sauf que les parents renvoient à cette image quelque chose de sale ou de honteux, ce qui est une bêtise parce que les enfants sont poussés naturellement à le faire".

"Pénis, vagin...", il faut faire comprendre à l'enfant que ces mots sont de l'ordre du privé
Samuel Comblez

D'ailleurs, "comment un petit pourrait-il comprendre qu'il ne doit pas toucher certaines parties de son corps ?, poursuit le thérapeute. Il y a en effet quelque chose de très mystérieux et de très angoissant pour un jeune enfant. Et comme en outre chaque parent n'utilise pas forcément les mêmes surnoms pour désigner finalement la même chose, c'est très perturbant". Et cette interrogation sur le sujet pousse de plus en plus de jeunes à se tourner vers la pornographie. Un phénomène qui commence dès l'école primaire et qui alarme notre psychologue. "Car les plus jeunes prennent ces images comme un vecteur d'information, alors que c'est un spectacle à but d'excitation pour les adultes". 

Conclusion, il est inutile de vouloir coûte que coûte masquer la réalité. Encore faut-il savoir comment expliquer les mots "pénis" ou "vagin" à l'enfant ? "Ce n'est pas un problème de terme mais plutôt de contexte, indique Samuel Comblez. Il faut par exemple faire comprendre à l'enfant que ces mots sont de l'ordre du privé. Ainsi, on ne parle pas de clitoris à tort et à travers dans une conversation, parce que cela fait partie de l'intime. Et ne vous inquiétez pas, l'enfant comprend très bien cette notion de secret".


Virginie FAUROUX

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