Nathalie Benoit, championne de para aviron : "Les femmes handicapées ont plus de difficultés à montrer leur corps"

Publié le 1 mars 2024 à 14h00

Source : JT 13h WE

Médaillée de bronze aux Jeux paralympiques de Tokyo, championne d’Europe en titre… En aviron skiff catégorie PR1, Nathalie Benoit fait figure de favorite.
Malgré sa maladie dégénérative, l’Aixoise joue de la musique et se lance régulièrement des défis.
Pour Avec Elles, nous vous présentons une série de sportives médaillables aux Jeux paralympiques de Paris du mercredi 28 août au dimanche 8 septembre prochain.

Deux mille mètres. À la force des bras, Nathalie Benoit tire seule son bateau. Objectif, franchir la ligne d’arrivée environ 8,30 minutes plus tard pour prétendre à un podium. L’athlète, en catégorie PR1 (sportifs ne pouvant se servir que de leurs bras et épaules), va tenter à partir du 30 août de faire mieux que sa médaille de bronze obtenue aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2021.

Plus les Jeux paralympiques se rapprochent, plus les entraînements s’intensifient. Mais ne dites pas à la rameuse qu’elle fait des sacrifices : "Je ne pars pas en vacances, je sors peu avec mes amis… Je prends plus de plaisir à glisser avec mon bateau. Je n’ai jamais été poussée à le faire, il faut que ça reste un loisir." Elle reconnaît s’autoriser davantage d’extras que ses concurrentes : "La maladie m’a appris à profiter de la vie. Du jour au lendemain, mon état de santé peut s’aggraver. Alors, je n’ai pas envie de me restreindre et je refuse de reporter un loisir… sauf s’il se joue la veille d’une compétition."

La sclérose en plaque n’arrête pas Nathalie Benoit. En fauteuil roulant depuis près de vingt ans, la quinquagénaire dévore la vie : passionnée par les animaux, elle joue du piano et du violon. Professeure des écoles, elle aime partager ses ressentis et émotions : "J’ai reçu le diagnostic de ma maladie au lycée. J’ai accusé le coup, mais je n’avais pas le choix. Je voulais continuer à vivre et profiter en m’adaptant en permanence. Hors de question de rester chez moi."

Le sport en soutien

Avec ses deux parents professeurs d’éducation sportive, Nathalie Benoit plonge rapidement dans le bain de l’activité physique. À 16 ans, elle intègre le pôle espoir d’Aix-en-Provence de pentathlon moderne. Le développement de la maladie l’oblige à changer ses plans. "À l’époque, le neurologue qui me suivait affirmait que le sport me faisait perdre trop d’énergie et que c’était nocif pour ma santé", regrette Nathalie Benoit. La Provençale se félicite que la vision du sport ait radicalement évolué depuis. Elle se tourne d’abord vers le basket fauteuil : "Je me suis régalée. C’est un vrai spectacle ludique. Mais je n’avais pas beaucoup d’équilibre. Je me suis également rendu compte que je préférais exercer un sport sans fauteuil roulant."

Elle pousse ensuite la porte d’un club d’aviron : "C’est technique de glisser sur l’eau et ça demande beaucoup d’effort, mais c’est ce que je préfère." Son bateau, plus large et moins long que l’embarcation destinée aux sportifs valides, permet d’installer une assise fixe avec un dossier. "J’ai des sangles qui me maintiennent le ventre et les jambes. Nous avons des flotteurs de chaque côté : en cas de chavirage, nous serions incapables de sortir du bateau par nous-mêmes", décrit Nathalie Benoit. Très stressée, la rameuse craint toujours mal faire ou décevoir. Elle peut compter sur sa famille pour la rassurer : "Je suis très entourée. Je les appelle parfois d’une compétition à l’autre bout du monde et les réveille en pleine nuit."

En juin 2013, Nathalie Benoit traverse la France à la rame. "J’ai fait 1036 kilomètres entre Paris et Marseille. Je ne prenais plus de plaisir à faire de la compétition. J’avais envie de prendre mon temps pour faire des rencontres." À travers la Seine, la Saône et le Rhône, elle franchit plus d’une centaine d’écluses : "Des pompiers se tenaient debout dans l’eau pour éviter que le bateau se heurte aux bords. Des personnes me suivaient sur quelques kilomètres, d’autres m’accueillaient en chansons dans les villages." Elle se souvient avec émotion de cette aventure humaine : "Les sportifs sont souvent isolés. J’ai senti au cours de ce voyage que les spectateurs voulaient partager nos performances."

La sportive a également bouclé le marathon de New-York. Son temps, 3 h 27. "Les fauteuils roulants sont un peu plus rapides que les coureurs valides", s’amuse-t-elle. La grosse pomme la faisait rêver et elle a pris beaucoup de plaisir : "J’aime les efforts longs et difficiles. Attention, vous pouvez prendre beaucoup de vitesse en descente. Il faut freiner lentement et progressivement sinon vous risquez de faire éclater votre roue avant."

En aviron, handicapés et valides dans les mêmes bateaux

La différence homme/femme, Nathalie Benoit ne pense pas la subir. Après un léger silence, elle se reprend : "En 1998, je postule pour un rôle chez les marins-pompiers de Marseille. Là, l’instructeur me fait comprendre qu’il n’y a qu’une seule femme et qu’il ne souhaitait pas en avoir d’autres. C’est le seul moment où j’ai vraiment ressenti le poids de la différence entre les sexes."

À l’inverse d’autres fédérations, l’aviron place femmes et hommes sur le même plan. Nathalie Benoit s’en réjouit : "Les parasportifs participent aux mêmes compétitions que les valides. Je compétitionne au milieu des meilleurs rameurs du monde para et valides confondus. Nous nous sentons sportifs avant d’être handicapés. L’organisation nous octroie simplement quelques lignes d’eau pendant l’échauffement et installe des plans inclinés pour que les fauteuils puissent circuler. Nous bénéficions de la ferveur du public, de quoi gommer les différences."

Elle reconnaît que sur les pontons, les filles restent moins nombreuses que les garçons. Pour elle, le regard des autres sur le handicap continue à peser : "Il renvoie une notion esthétique du corps. Si les garçons se sentent plus libres, les filles ont plus de difficultés à montrer leur corps. En aviron, nous sommes obligés d’enfiler de petites combinaisons qui ne cachent pas les blessures liées à un accident ou à une maladie. Il reste encore du travail pour atténuer ces traumatismes."


Geoffrey LOPES

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