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Qu'est-ce que le réseau "Parents vigilants" piloté par des membres de Reconquête et invité au Sénat ?

Publié le 6 novembre 2023 à 18h30, mis à jour le 7 novembre 2023 à 12h57

Source : Sujet TF1 Info

Le "colloque des Parents vigilants" a été organisé samedi 4 novembre au Sénat, sous l’initiative de Stéphane Ravier, de Reconquête.
L’association, créée en septembre 2022, compterait plus de 3000 élus chez les parents d’élèves et est accusée de menaces envers des professeurs.

Samedi 4 novembre au Palais du Luxembourg, une partie de l’extrême droite s’est rassemblée pour assister à une toute première conférence du genre : le colloque des Parents vigilants, cette association sous le giron de Reconquête, à l’initiative de Stéphane Ravier, seul sénateur siégeant sous cette étiquette. Des cadres éminents du parti ont été invités à prendre la parole, à commencer par son président, Éric Zemmour, et sa candidate aux élections européennes, Marion Maréchal. Le jour-même, des fédérations enseignantes et des politiques de gauche se sont indignés de cette venue à l’intérieur du Sénat. 

La demande d'une commission d'enquête

Ainsi, Sophie Vénétitay du SNES-FSU, syndicat majoritaire dans le second degré, y a vu une "banalisation de leur parole, de leurs actes et même une forme d'institutionnalisation dans un silence officiel inquiétant". La sénatrice écologiste Mélanie Vogel a tenu à rappeler que le réseau Parents vigilants était selon  elle une "association d’extrême-droite, qui organise le harcèlement d’enseignants". C’est dans ce contexte que le député du même bord, Benjamin Lucas, a demandé l’ouverture d’une commission d’enquête sur le mouvement.

Le colloque des Parents Vigilants était organisé samedi 4 novembre au Sénat, à l'initiative du sénateur Reconquête, Stéphane Ravier.
Le colloque des Parents Vigilants était organisé samedi 4 novembre au Sénat, à l'initiative du sénateur Reconquête, Stéphane Ravier. - DR

Depuis son lancement, directement piloté en septembre 2022 par Sarah Knafo, directrice de la stratégie et du développement du parti, le réseau Parents vigilants œuvre à se faire connaitre. Se définissant comme un "réseau de parents engagés dans la campagne #ProtegeonsNosEnfants", ce mouvement compte des "référents dans tous les départements", selon une responsable de Reconquête, et chercherait à"troubler l’ordre établi par la gauche à l’école".

Autrement dit, il demande aux parents d’élèves de faire remonter les "dérives" observées à l’école, sur des sujets sociétaux ou religieux. Cela peut concerner la mise en place d’un menu halal dans une cantine d’un établissement de Gironde ou la présence de manuels de classe jugés trop progressistes. 

Le réseau revendique "60.000 parents"

Le réseau Parents vigilants ne cache pas ses liens avec Reconquête, loin de là. Selon Causeur, le mouvement est coordonné par Sarah Knafo et Damien Rieu, militant d’extrême droite. Sur son site internet, on apprend que Diane Ouvry, la conseillère presse de Reconquête, est présentée comme la directrice de publication. Selon cette dernière, que nous avons interrogée, l’association s’appuie davantage sur sa porte-parole, Agnès Marion, et candidate dans le Rhône aux législatives, et sur une professeure de mathématiques, Séverine Duminy, pour la gestion des affaires courantes. Cette dernière n'a pas répondu à notre sollicitation.

À ce jour, le réseau revendique "60.000 parents". Un nombre que nous n’avons pas été en mesure de vérifier. Pour devenir "parent vigilant", il suffit de remplir un formulaire avec ses coordonnées pour être recontacté. Aucune carte d’adhésion ne semble exister à ce jour. Aux dernières élections en octobre, il dit également avoir obtenu "3500 élus parents d’élèves". À ce sujet, le ministère de l’Éducation nationale répond que "les résultats définitifs des élections aux conseils d’école et aux conseils d’administration (2d degré) ne sont pas encore disponibles" et qu’ils le seront "fin novembre, début décembre". Le SNES-FSU dit de son côté avoir du mal à connaitre le nombre précis d’élus du réseau parmi les parents d’élèves, puisque les candidats "ne se sont pas tous présentés sur une liste Parents vigilants", d’après sa secrétaire générale Sophie Vénétitay.

Sur ses réseaux sociaux, le réseau alerte sur des "dérives" à l'école à propos de mœurs ou de la laïcité
Sur ses réseaux sociaux, le réseau alerte sur des "dérives" à l'école à propos de mœurs ou de la laïcité - DR

Si le réseau est dans le viseur du syndicat, ce n’est pas seulement pour son affiliation à l’extrême droite, mais pour les méthodes qui seraient les siennes. En effet, "Parents vigilants" est accusé de mener des "raids numériques" à l’encontre d’enseignants et même de proférer des menaces dans certains cas. Ces affaires sont "difficiles à quantifier" mais Sophie Vénétitay constate que son syndicat a reçu plusieurs "alertes dans différentes académies", comme à Lille, à Reims, ou en Normandie. "Nos collègues se sont vu jeter en pâture sur les réseaux sociaux. Et notamment un professeur de Normandie, qui avait fait un cours sur les migrants et avait passé un morceau de rap pour l’occasion. Son établissement avait été cité par les Parents vigilants, dont le nom était facilement identifiable."

Comme le raconte France info dans une enquête, une professeure de philosophie de Valenciennes a même été contrainte de demander sa mutation après avoir été harcelée en ligne. Son tort ? Avoir voulu organiser une sortie scolaire avec sa classe dans un camp de migrants. 

Le réseau Parents vigilants tient donc à alerter sur des faits qu’il considère comme gravissimes. Et n’hésite pas pour cela à faire circuler des rumeurs, comme ça a été le cas de la mise en place d’une salle de prière pendant le voyage scolaire de collégiens de Pau. À l’époque, le rectorat de Bordeaux avait nié ces faits et expliqué à TF1info que "deux familles de confessions différentes (s’étaient) signalées pour pouvoir pratiquer de manière individuelle et isolée leur culte" au cours de cette sortie scolaire, une pratique autorisée par la loi. Contacté pour savoir s’il s’intéressait de près aux pratiques des Parents vigilants, le cabinet de Gabriel Attal n’était pas revenu vers nous dans l'immédiat. 

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Caroline QUEVRAIN

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