"J'ai reçu un mandat pour vous contrôler" : comment les fraudes aux arrêts de travail sont traquées

par La rédaction de TF1info | Reportage Caroline Bayle, Jean-François Drouillet et Alice Chomy
Publié le 26 avril 2024 à 12h27

Source : JT 20h Semaine

En 2022, près de 9 millions d'arrêts maladie ont été enregistrés en France, soit 30% de plus que 10 ans plus tôt.
Ils coûtent très cher à l'Assurance Maladie qui traque les abus, les salariés qui fraudent mais aussi certains médecins gros prescripteurs.
Regardez ce reportage du 20H de TF1.

8,8 millions. C'est le nombre d'arrêts maladie prescrits en France en 2022, contre 6,4 millions en 2012. Ce chiffre en nette augmentation inquiète le gouvernement, qui a inclus dans son projet annuel de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), présenté en septembre dernier, plusieurs mesures visant à limiter la hausse des dépenses liées aux arrêts maladies. Le contrôle par l'employeur via un médecin mandaté, prévu dans le budget de la Sécurité sociale, en fait partie. C'est dans ce contexte que, plusieurs fois par semaine, le médecin qu'une équipe de TF1 suit dans le reportage en tête de cet article quitte son cabinet pour se rendre au domicile de patients non avertis.

"J'ai reçu un mandat pour vous contrôler, vous n'y êtes pas, normalement, vous êtes obligée de revenir à mon cabinet pour un deuxième contrôle", l'entend-on dire ce jour-là à une patiente qui aurait dû être chez elle, comme l'impose son arrêt, et qu'il a décidé de joindre par téléphone. Réclamée par l'employeur, cette mesure est parfois mal perçue. "Parfois, ils sont agressifs, ils sont déçus, ils ont l'impression qu'ils ne sont pas appréciés, que c'est pour ça que l'employeur les contrôle, mais il est dans ses droits", poursuit le généraliste. Le contrôle permettra de justifier l'arrêt ou de le suspendre. 

"Sur 22.000 contrôles, un arrêt sur deux justifié"

Lorsqu'ils ont un doute, les employeurs peuvent passer par des sociétés privées, agréées, chargées de vérifier, dans un premier temps, que l'arrêt de travail est authentique, d'abord en contactant le médecin qui l'a signé. Les fraudes sont rares, mais les arrêts de complaisance plus fréquents. "Sur 22.000 contrôles, il y a un arrêt sur deux qui est justifié", illustre ainsi Nathalie Albert, directrice de Medica Europe. Un chiffre important, car ce sont des arrêts ciblés par les employeurs.

De son côté, l'Assurance Maladie contrôle aussi, car le nombre d'arrêts de travail a explosé. Il dépasse les 30% en dix ans, ce qui coûte 16 milliards d'euros chaque année. Pour lever le doute, certains assurés sont donc convoqués par le médecin-conseil. La suspension est décidée dans 30% des convocations 

Mais les assurés ne sont pas les seuls à être contrôlés : l'Assurance Maladie cible également les médecins prescrivant trop d'arrêts. "Il faut bien comprendre que ce sont vraiment de très gros prescripteurs qui prescrivent deux à quatre fois plus que leurs confrères à patientèle comparable", illustre Françoise Legrand, directrice régionale du service médical de la CPAM de Rouen (Seine Maritime). 

15000 courriers ont déjà été envoyés à ses médecins pour leur fixer des objectifs à la baisse. Pour éviter ces dérapages les conseillers de la Sécurité sociale mènent d'autres actions en parallèle. Objectif : aider les médecins parfois démunis face à des patients arrêtés depuis trois longtemps. "Il faut vraiment voir ce travail comme un partenariat que comme quelque chose de répressif, il faut vraiment un trinôme autour du patient : médecin traitant, médecin du travail, médecin de caisse", considère Sébastien Baleizao, médecin généraliste. L'enjeu est de taille car, a titre de repère, après six mois d'arrêt, un salarié sur deux reprend son travail. L'an dernier, ces échanges engagés avec les médecins ont déjà permis à la Sécurité sociale d'économiser 200.000 euros. 


La rédaction de TF1info | Reportage Caroline Bayle, Jean-François Drouillet et Alice Chomy

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