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L'attentat de Moscou "financé" par une société ukrainienne "liée à Biden" ? Ce que l'on sait de cette accusation

Publié le 11 avril 2024 à 20h07

Source : TF1 Info

Des internautes affirment ce mardi que les enquêteurs russes auraient lié l'attentat près de Moscou à Burisma Holdings.
Une enquête pénale a bien été ouverte contre cette société privée ukrainienne, mais sans lien avec l'attentat Crocus City Hall.
Cette entreprise est au cœur des spéculations qui n'ont jamais été étayées d'aucune preuve.

Après trois semaines d'enquête, rien n'a permis de lier de près ou de loin l'attentat de Moscou à l'Ukraine ou l'Occident. Pas de quoi empêcher les relais pro-russes de continuer à alimenter cette piste relayée par nombre de responsables gravitant autour du Kremlin. Ce mardi 9 avril, un internaute identifié par le passé pour avoir partagé de fausses informations venues de Russie affirme que l'attaque meurtrière du 22 mars au Crocus City Hall "a été payée par la société pétrolière et gazière ukrainienne Burisma Holdings" qui, précise-t-il en citant  le "Comité d'enquête russe", serait elle-même "liée à Biden". Une accusation qui soulève plusieurs questions.

Cet internaute affirme à tort que les enquêteurs russes ont lié l'attaque du Crocus City Hall, dans la banlieue de Moscou, à l'entreprise ukrainienne Burisma Holdings, le mardi 9 avril 2024
Cet internaute affirme à tort que les enquêteurs russes ont lié l'attaque du Crocus City Hall, dans la banlieue de Moscou, à l'entreprise ukrainienne Burisma Holdings, le mardi 9 avril 2024 - Capture d'écran / Les Vérificateurs

D'abord, revenons sur l'objet de l'enquête. Dans une vidéo officielle accompagnée d'un communiqué, ledit "Comité" a bel et bien annoncé mardi l'ouverture d'investigations pour "financement du terrorisme" pour le compte de l'Ukraine. Lancées dans le cadre d'une "demande des députés de la Douma", elles visent à "examiner les sources et les mouvements de fonds s'élevant à plusieurs millions de dollars américains et l'implication de collaborateurs des autorités et d'organisations publiques et commerciales de pays occidentaux"

Directement ciblée : l'entreprise ukrainienne Burisma Holdings. Cette société gazière basée à Kiev - mais enregistrée à Chypre - est accusée par Moscou d'avoir servi d'intermédiaire pour des fonds utilisés "ces dernières années pour mener des actes terroristes en Russie et à l'étranger".

Spéculations et exagérations

Alors, quel lien y a-t-il entre l'entreprise et l'attaque perpétrée dans la salle de concert moscovite ? Aucun. L'attentat n'est d'ailleurs jamais mentionné par le Comité d'enquête russe, dans sa vidéo comme son communiqué, les accusations portant plutôt sur des "actes terroristes" visant à "éliminer des personnalités politiques et publiques de premier plan", ainsi qu'à causer des "dommages économiques"

Les internautes font donc un raccourci, s'appuyant sur les spéculations de la presse russe et de personnalités proches du pouvoir. Parmi elles, celles d'un "correspondant militaire" régulièrement repris par les relais pro-russes en Europe, selon qui "l'attaque terroriste à Crocus a été payée par la société ukrainienne Burisma Holdings". Dans un message publié sur Telegram, il ajoute que l'Ukraine aurait déjà commis ce type d'exactions dans le Donbass. Au cœur du large réseau de propagande baptisé "Portal Kombat", un blog écrit relève quant à lui que la procédure a été ouverte "après l'attentat terroriste perpétré au Crocus City Hall", insinuant qu'il y aurait un lien entre l'enquête et l'attentat.

Ensuite, sur quelles preuves s'appuient les enquêteurs ? Impossible de le savoir. Le Comite d'enquête russe n'a présenté aucun élément du dossier, indiquant simplement que les investigations ont été lancées après une demande de députés de la Douma. Dans la presse russe non plus, pas un indice n'a fuité. Pas plus que sur les comptes Telegram des relais du Kremlin, qui ont pourtant diffusé les vidéos de l'arrestation des suspects de l'attaque quelques minutes après leur interpellation.

Enfin, pourquoi les internautes évoquent-ils "Biden" ? Car le fils du président américain, Hunter Biden, a effectivement siégé au conseil d'administration de Burisma Holdings de 2014 à 2019. Un passé professionnel qui est d'ailleurs l'un des sujets de prédilection des influenceurs pro-russes aux États-Unis et de la frange pro-Trump du Parti républicain, qui s'appuient dessus pour reprocher à la famille Biden des affaires douteuses. 

Là encore, les éléments manquent à l'appel. Une enquête conjointe de deux commissions sénatoriales républicaines publiée en septembre 2020 n'a trouvé aucune trace d'actes répréhensibles de la part du président américain. Une deuxième enquête, menée par le comité de la Chambre républicaine sur l'ensemble de la famille Biden et rendue publique en décembre dernier, n'a rien révélé non plus. Au contraire, Alexander Smirnov, ex-informateur du FBI, a été arrêté en février dernier pour avoir fabriqué de fausses preuves de ces accusations

REPORTAGE - Après l'attentat de Moscou, les Russes face au récit du KremlinSource : JT 13h Semaine

En résumé, les internautes font non seulement un raccourci trompeur entre l'ouverture d'une enquête sur Burisma Holdings et l'attentat de Moscou, mais ils pointent directement du doigt la famille Biden à tort, le fils du président américain ne siégeant plus au conseil d'administration de l'entreprise depuis 2019. Le Comité d'enquête russe n'a par ailleurs présenté aucun élément du dossier. Voilà pourquoi ces accusations sont jugées "absurdes" du côté de la Maison Blanche

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Felicia SIDERIS

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