Affaire Émile : neuf mois d'enquête jusqu'à la découverte des ossements et un mystère qui persiste

par Julien CHABROUT avec AFP
Publié le 31 mars 2024 à 15h10

Source : TF1 Info

Des "ossements" correspondant au corps d'Émile ont été retrouvés samedi à proximité du Haut-Vernet, a indiqué ce dimanche le parquet d'Aix-en-Provence.
Accident, chute, enlèvement… Aucune piste n'a été laissée de côté depuis la disparition du garçonnet, le 8 juillet 2023.
Retour sur neuf mois d'enquête, sans suspect à ce jour.

Accident, chute, enlèvement... Aucune piste n'a été laissée de côté depuis la disparition du petit Émile, le 8 juillet 2023. L’affaire vient de connaître un rebondissement ce dimanche : des "ossements" correspondant au corps du garçonnet âgé de deux ans et demi ont été retrouvés samedi à proximité du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), a annoncé ce dimanche le parquet d'Aix-en-Provence. 

"Samedi, la gendarmerie nationale était informée de la découverte à proximité du hameau du Vernet d'ossements" dont les analyses d'identification génétiques ont permis "de conclure ce dimanche qu'il s'agissait des ossements de l'enfant Emile Soleil" (NDLR : son nom de famille), a affirmé dans un communiqué le procureur d'Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon. Selon une source proche de l’enquête interrogée par le service police-justice de TF1-LCI, c’est une personne qui se promenait à proximité du hameau qui a fait la découverte des ossements samedi. La découverte a été faite dans un périmètre qui avait déjà été fouillé par le passé, selon une source proche de l'enquête à TF1/LCI.

Retour sur neuf mois de mystère, et d'angoisse pour les proches du petit garçon. 

Une information judiciaire ouverte

Émile aurait été aperçu pour la dernière fois par deux voisins aux récits contradictoires, samedi 8 juillet, à 17h15, seul, dans une rue du Haut-Vernet, minuscule hameau de 25 habitants situé à 1200 mètres d'altitude, sur les flancs du massif des Trois-Évêchés, où sa famille possède une maison. Le bambin venait de commencer ses vacances d'été chez ses grands-parents maternels. Les parents, eux, n'étaient pas présents sur place lors de sa disparition. La gendarmerie est alertée vers 18 heures et une enquête pour recherche des causes de disparition inquiétante débute le 9 juillet, assortie d'un appel à témoins. Une battue réunit des centaines d’anonymes venus prêter main forte les deux premiers jours. Enquêteurs et militaires continuent ensuite à inspecter minutieusement 97 hectares de champs, bois et terrains escarpés, sans succès. La trentaine de maisons du hameau rattaché à la commune du Vernet sont aussi fouillées, les habitants interrogés et leurs véhicules visités.

Le 12 juillet, le parquet de Digne annonce que l'enquête bascule sous le régime de l'enquête préliminaire. Puis, le 18, il ouvre une information judiciaire justifiée par "la complexité de l'affaire" auprès du pôle de l'instruction d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Deux juges d'instruction sont saisis du dossier, toujours pour recherche des causes de disparition inquiétante. Un minutieux travail d'analyse des données recueillies débute, soit 1200 appels passés à la ligne téléphonique dédiée et une masse considérable d'informations concernant la téléphonie de toutes les personnes ayant "borné" vers le Haut-Vernet le jour de la disparition d'Émile.

L'enquête, d'abord confiée au parquet de Digne-les-Bains puis transférée à des juges d'instruction d'Aix-en-Provence, bascule en août sur une qualification criminelle "d'enlèvement" et "séquestration". Cette décision purement technique n'était pas liée à une avancée particulière, précisait le parquet, mais permettait "plus de souplesse" dans les investigations. 

Les parents sortent du silence

Fin août, les parents d'Emile accordent une interview à l'hebdomadaire Famille Chrétienne.  Ils déclarent n'avoir "rien à cacher" et déplorent des "témoignages malveillants dans la presse". "On imagine forcément le pire, mais on ne peut s'empêcher d'espérer…", dit Colomban, le père. "Cela ne nous fait pas peur de demander à Dieu un miracle…", poursuit Marie, la mère, dans ce long entretien.  

Trois mois plus tard, jour des 3 ans d'Émile, ses parents diffusent un message, là encore dans l'hebdomadaire Famille chrétienne. "Par pitié, s'il est vivant, ne nous laissez pas vivre sans lui, rendez-le-nous ! Par pitié, s'il est mort, dites-nous où il se trouve, rendez-le-nous, ne nous laissez pas sans une tombe pour nous recueillir !", lance sa mère. Cette famille catholique très pratiquante habite à l'année dans les Bouches-du-Rhône à La Bouilladisse près d'Aix-en-Provence.

Le 8 janvier 2024, le parquet d'Aix-en-Provence indique que l'enquête "est toujours très active" et a pris "une autre forme, plus technique". Les enquêteurs de la gendarmerie doivent désormais "analyser l'ensemble des éléments recueillis" et notamment une masse de données numériques et de téléphonie des personnes ayant borné sur place ou aux alentours peu avant et peu après la disparition, détaille alors le procureur de la République d'Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon. Toutes les maisons du hameau et d'autres ailleurs qui pouvaient avoir un lien ont été perquisitionnées, selon le parquet. "Près de 900 signalements ont été traités ou écartés" et "les opérations de police technique et scientifique systématiques de toute trace utile ont conduit à la réalisation de près de 300 scellés", selon une source proche de l'enquête interrogée par l’AFP.

Une "mise en situation" jeudi

Près de neuf mois après la disparition du petit Émile, la justice organise, ce jeudi 28 mars, une "mise en situation" du moment où l'enfant a été aperçu pour la dernière fois, en réunissant 17 personnes au Haut-Vernet : sa famille, des voisins et des témoins visuels. Cette "mise en situation", qui n'est pas à proprement parler une reconstitution classique, aucune infraction caractérisée n'ayant été relevée dans ce dossier, se focalise notamment sur la dernière fois où a été vu le petit garçon. 

La personnalité des voisins et des membres de la famille est scrutée avec attention. C'est le cas notamment de celle du grand-père maternel de l'enfant qui avait la garde d’Émile le jour de sa disparition. Courant mars, le Canard enchaîné révèle le passé trouble de Philippe V., 58 ans, placé sous statut de témoin assisté dans une enquête sur des violences et agressions sexuelles présumées au début des années 1990 au sein de l’établissement scolaire privé religieux de Riaumont à Liévin (Pas-de-Calais) qui accueillait des garçons mineurs en pension. Son avocate a toutefois insisté sur l'absence de lien entre les deux affaires, et appelé à respecter la présomption d'innocence. 


Julien CHABROUT avec AFP

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