Épidémie de choléra à Mayotte : comment expliquer la forte recrudescence de cette maladie ?

par Julien CHABROUT (avec AFP)
Publié le 9 mai 2024 à 11h34, mis à jour le 9 mai 2024 à 21h48

Source : JT 20h Semaine

Le choléra a fait un premier mort sur l'île de Mayotte mercredi, un enfant de trois ans.
Au 6 mai, 58 cas de cette maladie ont été identifiés dans ce département français de l'océan Indien.
Plusieurs facteurs, comme des mesures d'hygiène défectueuses et le changement climatique, conduisent à une hausse importante des cas dans le monde.

C’est une maladie infectieuse pouvant être foudroyante. Le choléra est un fléau en forte recrudescence dans le monde. Cette maladie a fait un premier mort sur l'île de Mayotte, un enfant de trois ans dans la commune de Koungou, ont annoncé mercredi la préfecture et l'Agence régionale de santé. Ce premier cas mortel intervient à la veille de la visite du ministre de la Santé Frédéric Valletoux sur cette île de l'océan Indien, prévue depuis plusieurs jours.

Au 6 mai, 58 cas ont été identifiés dans ce département français. Les premiers cas ont été recensés mi-mars chez des personnes revenant des Comores voisines, où l'épidémie flambe avec 98 décès et plus de 4900 cas depuis le début de l'année, selon le dernier bilan officiel. À Mayotte, les premiers cas "autochtones", diagnostiqués chez des patients n'ayant pas quitté l'île française, sont apparus fin avril. Une campagne de vaccination est en cours dans ce département avec plus de 4000 personnes vaccinées à ce jour, selon l'Agence régionale de santé. En France métropolitaine, le choléra est devenu très rare et essentiellement rapporté par des voyageurs de retour de pays ou de zones infectés. On compte en effet en moyenne zéro à deux cas par an de cette maladie depuis le début des années 2000, selon le ministère de la Santé.

Vomissements et diarrhées très sévères

Dans Bonjour ! La Matinale TF1, le médecin Vincent Vallinducq explique les raisons de cette recrudescence des cas dans l’océan Indien. "Les mesures d’hygiène défectueuses, notamment la gestion de l’eau potable, associées à une forte concentration de population dans une zone participent à la propagation du choléra", indique-t-il. En effet, comme le rappelle Vincent Vallinducq, le choléra est "une maladie bactérienne que l’on peut contracter en buvant de l’eau contaminée ou en mangeant des aliments contaminés" par le bacille vibrio cholerae ou vibrion cholérique. 

Si les trois quarts des personnes infectées n'expriment aucun symptôme, la maladie peut entraîner des "symptômes digestifs très importants", des vomissements et des diarrhées très sévères, explique le médecin, provoquant une déshydratation accélérée. Les pertes d’eau peuvent en effet atteindre 15 litres par jour. Ces pertes très importantes de fluides "vont participer à la propagation de la bactérie dans l’environnement", ajoute Vincent Vallinducq, d’où "l’intérêt de renforcer les mesures sanitaires".

En l'absence de traitement, le choléra est l'une des maladies infectieuses les plus rapidement fatales : la mort peut survenir en seulement un à trois jours. Seule une prise en charge rapide par perfusion, avec l'administration de sels de réhydratation et d'antibiotiques, permet d'éviter la mort.

Les camps de réfugiés, des zones à risques

Le nombre de cas de choléra explose actuellement dans le monde, souligne l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les cas rapportés (une partie seulement des cas avérés) ont en effet plus que doublé entre 2021 et 2022 pour atteindre 473.000, puis ont encore grimpé à plus de 700.000 en 2023. Les Comores, la République démocratique du Congo (RDC), l’Ethiopie, le Mozambique, la Somalie, la Zambie et le Zimbabwe figurent parmi les pays les plus sévèrement touchés actuellement, indique encore l'OMS.

Deux facteurs contribuent principalement à cette augmentation des cas : la multiplication des conflits et le changement climatique. Ce dernier, en augmentant l’intensité et la fréquence des inondations, des cyclones et des sécheresses, perturbe l'accès à l'eau potable et "crée un environnement idéal pour le développement du choléra", selon l'OMS. Exemple récent : les cas de choléra au Mozambique ont été multipliés par dix après le passage du cyclone Freddy qui, début 2023, a privé d'eau potable une partie des habitants.

En Haïti comme en Syrie ou en RDC, la liste des récentes flambées de choléra montre combien cette maladie est un marqueur de la pauvreté, de l'instabilité et des conflits armés. "Il existe un lien étroit entre la transmission du choléra et un accès inadapté à l'eau potable et à des installations d'assainissement", souligne l'OMS. Les endroits à risque d'épidémie sont typiquement des camps de réfugiés : les crises humanitaires, avec les déplacements de populations et des difficultés d'accès à l'eau potable, augmentent considérablement les risques.


Julien CHABROUT (avec AFP)

Tout
TF1 Info