"Tout va mal" : mobilisation d'ampleur dans les collèges et lycées de Seine-Saint-Denis

Publié le 14 mars 2024 à 17h07, mis à jour le 14 mars 2024 à 19h11

Source : JT 20h WE

Depuis trois semaines, élèves et personnels éducatifs se mobilisent en Seine-Saint-Denis.
Ils réclament un plan d'urgence alors qu'ils subissent au quotidien des conditions dégradées et des absences non remplacées.
Manifestations, grèves, vidéos TikTok pour témoigner, tous les moyens sont mobilisés pour alerter sur la situation.

"Je suis une élève à Blaise Cendrars, évidement qu'on a un seau pour les fuites, parce qu'on n'a pas de plafond". En reprenant les codes d'une tendance TikTok, un groupe de lycéens scolarisés à Sevran, en Seine-Saint-Denis, ont témoigné dans une vidéo des conditions dégradées qu'ils doivent subir au quotidien dans leur établissement. Professeurs, mais aussi proviseur et CPE non remplacés, manque d'AESH ou de surveillants, matériel détérioré ou manquant ou encore bâtiments dégradés, les difficultés sont nombreuses.

"C'est la galère. Regardez nos plafonds, nos murs, tout va mal. Les vitres, elles s'ouvrent pas, les rideaux, ils sont cassés", s'insurge un lycéen dans une autre vidéo publiée sur le réseau social. "Pendant un mois et demi, je n'ai pas eu de HLP [spécialité Humanités, Littérature et Philosophie, ndlr], littérature ni même de prof d'anglais, je suis quand même en terminal", souligne une autre.

Ces vidéos, devenues virales, ont permis d'incarner un mouvement social qui a débuté il y a trois semaines dans tout le département du 93. Grèves, blocus, manifestations, depuis la rentrée des vacances scolaires de février, la vie des établissements de Seine-Saint-Denis est rythmée par la mobilisation d'équipes scolaires, d'élèves et de parents. "On en a ras-le-bol de pas avoir de profs, de pas avoir d'infirmières, de pas avoir de médecins scolaires. Il nous manque du personnel partout", s'exaspère Alixe Rivière, porte-parole de l'association de parents d'élèves FCPE 93. 

"Aujourd'hui, c'est une démonstration de force d'avoir cette unité de l'ensemble de la communauté éducative, enseignants, personnels, parents et élèves", souligne par ailleurs la secrétaire CGT Educ'Action, Louise Paternoster. Ce jeudi 14 mars, jour d'appel à la manifestation, la CGT Educ'Action assurait que près de 40% des enseignants du secondaire étaient grévistes et qu'une dizaine d'établissements étaient fermés. Des chiffres similaires à la semaine précédente, semblant montrer que le mouvement ne s'essouffle pas. "On est sur une pente ascendante", certifie la représentante syndicale. "L'école est en état d'urgence en Seine-Saint-Denis", alertait également Grégory Thuizat, co-secrétaire du SNES-FSU 93.

Un plan d'urgence pour la Seine-Saint-Denis

Tous demandent la mise en place d'un plan d'urgence pour le secteur de l'éducation en Seine-Saint-Denis. Chiffré à 358 millions d'euros, il demande en particulier un renfort des moyens humains. 175 postes de CPE, 2200 postes d'AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap) ou encore 5000 postes d'enseignants sont demandés. Ce recrutement permettrait ainsi de former des classes d'une vingtaine d'élèves dans les établissements du secondaire de ce département. 

Des effectifs réduits par rapport à la moyenne en France, située autour de 25,9 élèves au collège et 30,3 dans les formations générales et techniques au lycée. "Notre département rencontre les plus grandes difficultés de France en mathématiques et en français. On est obligé d'avoir un dispositif adapté et d'avoir des moyens hors normes", justifie néanmoins Louise Paternoster.

Un rapport parlementaire, réalisé par les députés Stéphane Peu (PCF) et Christine Decodts (Renaissance) et publié en novembre dernier, faisait état de ces difficultés particulières au département le plus jeune et le plus pauvre de France métropolitaine. Ces élus rapportaient alors que le nombre d'heures de cours non remplacés était tel dans ce territoire qu'un enfant perdait en moyenne plus d'un an de cours sur toute sa scolarité. "Il y a trop de contractuels et trop d'enseignants jeunes et inexpérimentés", notait également Stéphane Peu, alors même que les élèves y sont souvent en difficulté.

Face à cette mobilisation qui dure, la réponse politique est pour l'instant minime. Interpellée à ce propos lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la ministre Nicole Belloubet a assuré tenir compte des "singularités" de la Seine-Saint-Denis, citant la mise en place de primes pour "fidéliser" le personnel éducatif sur ce territoire. L'intersyndicale Éducation (CGT, FSU, SUD) du département devrait par ailleurs être reçue au ministère de l'Éducation nationale, ce vendredi 15 mars.

Malgré tout, personnels, parents et élèves mobilisés ne comptent pas relâcher la pression. Ce vendredi, les parents d'élèves sont appelés à ne pas déposer leurs enfants dans les écoles, collèges et lycées de Seine-Saint-Denis. "C'est une décision extrêmement grave parce que la situation est ultra grave", souligne Alixe Rivière de la FCPE 93. Une quatrième semaine de mobilisation est également prévue la semaine prochaine. En plus de la journée nationale de grève au sein de l'Éducation nationale ce mardi 19 mars, le personnel enseignant est appelé à continuer à se mobiliser le 20, 21 et 22 mars. Le mouvement "va encore s'amplifier la semaine prochaine" promet Louise Paternoster.


Aurélie LOEK

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