Harcèlement scolaire : une "heure de sensibilisation" loin de faire l'unanimité

Publié le 12 juin 2023 à 16h01

Source : JT 20h WE

Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, souhaite que l'ensemble des collégiens suivent une "heure de sensibilisation" au harcèlement scolaire cette semaine.
Une idée pas forcément bien accueillie par les syndicats et les associations.
Les principaux acteurs regrettent une forme de "précipitation", voire une "improvisation".

C'est un sujet hautement important entre les murs des établissements scolaires : comment réduire et limiter les cas de harcèlement ? Pour tenter d'avancer sur la question, le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, a demandé aux chefs d'établissements que l'ensemble des collégiens suivent, entre ce lundi et vendredi, une "heure de sensibilisation" sur "le harcèlement et réseaux sociaux".

Sommé d'agir par la famille de Lindsay, adolescente de 13 ans qui s'est suicidée en mai dans le Pas-de-Calais, le gouvernement avait déjà annoncé la semaine dernière que la lutte contre le harcèlement serait la "priorité absolue" de la rentrée 2023. Il accélère donc le processus... sans faire l'unanimité. "On confond un peu vitesse et précipitation", réagit auprès de TF1info Laurent Boyet, président-fondateur de l'association Les Papillons, qui lutte contre les violences faites aux enfants.

"Effet de communication" ou "très bonne idée" ?

D'après lui, cette opération, officialisée dimanche 11 juin, n'est pas suffisamment préparée. "Cela peut vraiment être une très bonne idée, encore faut-il prendre le temps de construire cette semaine", poursuit-il. "Il faudrait laisser le temps aux enseignants de préparer cette intervention, d'impliquer les associations, les parents : une fois que les enfants auront cette sensibilisation, ils vont peut-être en parler en rentrant chez eux le soir. Il faut alors que les parents sachent comment aborder la problématique."

Un avis partagé par les syndicats enseignants, reçus ce lundi par Pap Ndiaye. "Nous convoquer à la hâte est avant tout un effet de communication", déplore auprès de l'AFP Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat des collèges et lycées. "Bien sûr qu'il faut agir sur le harcèlement, nous le faisons déjà dans les établissements. Mais il faut y consacrer plus de temps, car le sujet est très sérieux." Le principal syndicat des chefs d'établissements, le SNPDEN-Unsa, regrette aussi une "improvisation". "Le message envoyé vendredi pour lundi est très mal reçu par la communauté éducative. Cela n'envoie pas de bons signaux : on improvise sans cesse", critique son secrétaire général, Bruno Bobkiewicz.

Il vaut mieux la faire en début d'année scolaire, puis par exemple une heure tous les trimestres
Laurent Boyet, président-fondateur de l'association Les Papillons

La date de cette opération interroge aussi, à moins d'un mois du début des vacances scolaires. "C'est la fin de l'année, il y a les conseils de classe, le brevet, les oraux...", insiste Laurent Boyet. "Ce n'est pas le moment de mettre cette charge en plus pour les enseignants et les directeurs d'établissements scolaires. Il vaut mieux la faire en début d'année scolaire, puis par exemple une heure tous les trimestres, plutôt qu'en fin d'année, dans la précipitation, sans préparation."

Les réseaux sociaux dans le viseur

Toutefois, le président de l'association Les Papillons espère que cette semaine entraînera "une libération de la parole des victimes, et, peut-être, une prise de conscience de la part des harceleurs". Et se réjouit que les réseaux sociaux soient au cœur du sujet. "Souvent, lorsque les enfants commencent à aborder la question de la mort, c'est justement parce que le harcèlement scolaire commence à l'école, et se poursuit sur les réseaux sociaux", explique-t-il. "Les enfants ont ainsi l'impression que cela ne va jamais s'arrêter, que cela les poursuivra toute leur vie."

En outre, cette opération n'est pas la seule annonce du ministre. Reconnaissant que l'Éducation nationale a "encore du chemin à faire", Pap Ndiaye a promis ces derniers jours des moyens supplémentaires pour lutter contre le harcèlement scolaire. Un référent sur le harcèlement (infirmière, Conseiller principal d'éducation ou enseignant) devra notamment être nommé dans chaque établissement à la rentrée.


Idèr NABILI

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