Quel est ce trouble méconnu qui consiste à ressentir les émotions des personnes qui nous entourent ?

par Emilie CARTIER pour TF1 INFO
Publié le 24 avril 2024 à 19h00

Source : TF1 Info

Proche de l’hypersensibilité, l’hyperempathie est un niveau très élevé d'empathie.
Cette capacité à absorber, ressentir et absorber les souffrances des autres peut avoir des répercussions négatives sur la santé mentale.
Pour se préserver, il convient de se fixer des barrières émotionnelles et d’entreprendre un travail sur soi.

"Je ne demande pas à une personne blessée ce qu’elle ressent. Je deviens moi-même cette personne blessée". Cette phrase tirée du recueil "Chant de moi-même" publié en 1892 par le poète américain Walt Whitman résume parfaitement l’empathie poussée à son extrême. Pourtant, bien décrite, cette notion non clinique continue de susciter le scepticisme de nombreux professionnels de la santé mentale. Théorisée par la psychiatre américaine émérite Judith Orloff, auteur du livre "Le Guide de survie des hypersensibles empathiques", l’hyperempathie concernerait environ 20 % de la population selon elle. Considéré comme un cadeau, il est crucial d’apprendre à contrôler ce flot d’émotions pour éviter qu’il ne devienne nuisible. 

D’où vient l’hyperempathie ?

Ce niveau élevé d’empathie se manifeste par une absence de distanciation et s’explique de manière scientifique. Chez les hyperempathiques, on constate une surélévation du réseau des neurones miroirs qui fonctionnent en continu. Découverts en 1990 par un groupe de neuroscientifiques italiens, dirigé par Giacomo Rizzolatti, ces neurones sont impliqués dans l’imitation, la compréhension des intentions d’autrui, les émotions et le développement de l’empathie. 

Une étude menée en 2018 par des chercheurs de l’Université de Cambridge, de l’Institut Pasteur, de l’Université Paris Diderot, du CNRS et de la société de génétique 23andMe, et publiée dans la revue Translationnal Psychiatry, révèle que l’empathie ne résulte pas seulement de l’éducation et des expériences vécues, mais aussi par la génétique. En d’autres termes, un enfant hyperempathique a probablement au moins un parent qui l’est également. 

On observe trois sortes d’hyperempathie :  la kinesthésique, cette aptitude à ressentir la douleur physique des autres, l’hyperempathie émotionnelle qui permet de percevoir les émotions d’autrui avec beaucoup de précision et d’acuité et enfin la version intuitive, qui fait vivre des expériences perceptives extraordinaires comme la télépathie ou les prémonitions. 

Se préserver pour mieux gérer son hyperempathie

Chez les hyperempathiques, tout est vécu de manière démultipliée. Une mauvaise maîtrise de son hyperempathie peut provoquer une instabilité émotionnelle caractérisée par un tempérament imprévisible et conflictuel. L’hyperempathique peut faire une affaire personnelle de tout s’il ne se préserve pas. Cette contagion émotionnelle entraîne le décentrage sur soi. 

Souvent sollicité par son entourage et ceux en difficulté pour sa grande qualité de son écoute, l’hyperempathique devient le confident de nombreuses souffrances. Afin de ne pas se transformer en réceptacle, il vaut mieux se positionner et savoir dire non. Se ressourcer par la solitude permet de se recentrer sur soi. Sans forcément se forger une carapace, il est important de s’octroyer des moments tranquilles. On peut s’isoler pour écrire dans un journal intime ou réaliser de longues marches seul dans la nature, par exemple. 

Quand faut-il consulter ?

Porter une charge émotionnelle trop forte doit pousser à consulter un psychologue ou un psychiatre. Un travail thérapeutique peut s’avérer bénéfique afin de ne plus subir l’hyperempathie, comme le souligne Anne Landry, psychanalyste et auteur de "L’hyperempathie : révéler ce don extraordinaire et le développer". Pour elle, le travail thérapeutique de groupe est approprié pour instaurer des limites.

Des techniques comme la méditation de pleine conscience, l'intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires ou EMDR, des techniques de respiration peuvent servir à gérer cet excès d’émotion au quotidien. Anne Landry conseille aux hyperempathiques de se tourner vers le théâtre. Cette activité montre à quel point il est important d’entrer dans un rôle puis d’en sortir. 


Emilie CARTIER pour TF1 INFO

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