Pourquoi la Terre risque de tourner de moins en moins vite

Publié le 28 mars 2024 à 18h00

Source : JT 13h Semaine

La fonte des calottes glaciaires polaires modifie la vitesse de rotation de la Terre plus rapidement que prévu, selon une nouvelle étude.
Or, ce phénomène risque d'affecter le calcul du temps universel qui conditionne le bon fonctionnement des infrastructures numériques et de communication.

Une étude publiée le 27 mars dans la revue Nature suggère que l'accélération de la fonte des glaces au Groenland et en Antarctique, causée par le changement climatique, a un impact plus rapide que prévu sur le mouvement de rotation de la Terre. De quoi affecter le calcul du temps universel qui conditionne le bon fonctionnement des infrastructures numériques et de communication. 

En s'appuyant sur des observations par satellite, Duncan Agnew et ses collègues de l'Institut de géophysique de l'Université de Californie, à San Diego aux États-Unis, ont constaté que la fonte accrue des calottes glaciaires depuis la fin du XXe siècle a modifié la répartition de la masse à la surface de notre planète, tout comme le font les effets de marée de la Lune et du Soleil.

"Lorsque la glace fond, l'eau se répand sur l'ensemble de l'océan. (...) Ce qui modifie la répartition des fluides à la surface et à l'intérieur de la Terre", détaille le scientifique. L'effet ralentisseur de la fonte des glaces a été observé dès la fin du XIXe siècle, et il est calculé depuis les années 1950, rappelle le chercheur américain. "Mais la nouveauté de mes travaux est de montrer l'ampleur de l'impact de la fonte des glaces sur la rotation de la Terre. Un changement encore jamais vu", souligne Duncan Agnew. 

Une conséquence infime

Depuis plus d’un demi-siècle, le temps universel coordonné (UTC) est calculé à l’aide d'environ 450 horloges atomiques de très haute précision, qui déterminent l'heure officielle dans le monde entier. Historiquement, c'est la vitesse de rotation de la Terre qui sert à la mesure du temps. Mais comme le mouvement de rotation de notre planète fluctue, les scientifiques ont décidé en 1972 d’ajouter au temps atomique une seconde intercalaire pour le faire coïncider avec le temps astronomique. Cet ajout intervient ponctuellement, dès lors que le décalage entre les deux standards approche 0,9 seconde.

Depuis cette date, 27 secondes (intercalaires) au total ont ainsi été ajoutées à l'heure officielle pour contrebalancer l'accélération naturelle du mouvement de rotation de la Terre. Mais le changement climatique pourrait bien tout chambouler, au grand dam des gardiens du temps qui doivent s'adapter. Cette différence sera toutefois si infime qu'aucun humain ne s'en apercevra. 

Les ordinateurs menacés ?

Néanmoins, cela pourrait affecter le bon fonctionnement des ordinateurs qui, eux, dépendent d'un chronométrage précis. Le ralentissement est tel qu'il pourrait reporter à 2029 l'ajout éventuel d'une seconde (intercalaire) négative à l'heure officielle. Sans les effets du réchauffement, celle-ci aurait sans doute dû être ajoutée dès 2026. En effet, à cause de l'accélération naturelle du mouvement de rotation de la Terre, le temps astronomique va progressivement dépasser le temps atomique. Et il est donc prévu d'introduire une seconde (intercalaire) négative pour les re-synchroniser. 

Le hic, c'est qu'on ne l'a encore jamais fait ! Un saut dans l'inconnu redouté par les métrologistes, les scientifiques qui mesurent le temps, au vu des problèmes "sans précédent" que cela pourrait provoquer "dans un monde de plus en plus connecté", souligne Patrizia Tavella, du Bureau international des poids et mesures (BIPM), dans un commentaire joint à l'étude. "Je ne recommanderais pas d'être à bord d'un avion à ce moment-là", appuie Demetrios Matsakis, ancien scientifique en chef de l'Observatoire naval des États-Unis, qui n'a pas pris part aux travaux, cité dans un communiqué.

Car les programmes informatiques qui intègrent les secondes intercalaires "supposent qu'elles sont toutes positives", explique Duncan Agnew. C'est en partie pour cette raison que les métrologistes du monde entier se sont mis d'accord pour supprimer la seconde intercalaire d'ici à 2035. À partir de cette année-là, il est prévu de laisser la différence entre l'heure atomique et la rotation de la Terre s'accroître jusqu'à une minute. Ce délai est donc plutôt bienvenu pour les métrologistes, en leur laissant plus de temps pour décider si 2035 est la meilleure date pour supprimer la seconde intercalaire ou s'il faut l'abandonner avant.


Matthieu DELACHARLERY

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