École : comment expliquer la disparition des "classes vertes", que la droite veut relancer ?

Publié le 7 décembre 2023 à 17h43

Source : JT 20h Semaine

Parmi les textes inscrits dans la niche parlementaire des Républicains à l'Assemblée, celui de la députée de Savoie Émilie Bonnivard propose de relancer les voyages scolaires.
Selon la parlementaire, l'organisation de "classes vertes" est freinée notamment par le coût de ces séjours.
Elle souhaite aussi valoriser le travail mené par les professeurs organisateurs.

Des voyages scolaires en suspens. Face à une baisse constatée du nombre de classes de découverte organisées à l'école primaire, la députée de Savoie Émilie Bonnivard a déposé une proposition de loi pour les relancer. Car selon la parlementaire des Républicains, ces voyages, plébiscités par les élèves et leurs parents, ont tendance à diminuer ces dernières années, faute de financement et de professeurs suffisamment motivés pour les organiser.

De moins en moins de classes vertes

En dépit du manque de données concrètes, "l’administration centrale du ministère chargé de l’Éducation nationale, alertée par les remontées convergentes des services académiques, a pris conscience du constat de la diminution des séjours scolaires", note ainsi le rapport de la députée visant à relancer l'organisation des classes vertes.

La faute, selon Émilie Bonnivard, à deux incidents, survenus dans les années 1990, qui ont fortement ralenti l'expansion des voyages scolaires en école primaire. Le drame du Drac, en décembre 1995, a entrainé la mort de six enfants et de leur accompagnatrice lors d'une sortie scolaire en Isère. Alors que la classe était en train d'observer des castors, le groupe a été surpris par la brusque montée des eaux, provoquée par le lâcher d'un barrage EDF en amont. Plus tard, en janvier 1998, une avalanche a tué neuf collégiens, un professeur de mathématiques et une accompagnatrice, alors qu'ils étaient en randonnée à raquettes dans les Orres, dans les Hautes-Alpes. 

Depuis, la politique en matière d'organisation des sorties scolaires a radicalement changé. "Le souci de la sécurité devient prioritaire, ce qui se traduit par un renforcement des contraintes sécuritaires, avec la publication de nombreuses circulaires et instructions ministérielles, conséquemment moins incitatives et plus contraignantes", note le rapport. Par ailleurs, la crise du Covid, durant laquelle tous les voyages scolaires ont été annulés, a accentué cette baisse de sorties.

Des voyages plébiscités par les parents et les enfants

Pourtant, l'intérêt pédagogique de ces classes découvertes est largement établi. "Ces voyages, ce sont un peu des madeleines de Proust. Tout adulte qui est parti dans sa scolarité en classe verte s'en souvient, bien plus que son année intégrale de CP. Ce sont vraiment des moments importants dans la vie d'un élève", souligne en ce sens la co-secrétaire générale de la CGT Educ'Action 93, Louise Paternoster. Son syndicat recommande, comme l'Éducation nationale, que tous les élèves aient au moins un voyage dans leur cursus scolaire.

Émilie Bonnivard, dans son rapport, met également en avant un intérêt en termes de socialisation, d'autonomie et de justice sociale. "Vous avez beaucoup d'enfants dont les parents ne peuvent pas les emmener en vacances et n'ont pas non plus de famille à l'extérieur de leur milieu de vie. Généralement, ces classes de découvertes sont la première occasion pour certains enfants de connaître un milieu très différent du leur, que ce soit la mer, la montagne ou la ville", argue encore la députée LR.

Si la proposition de loi ne compte donc pas revenir sur ces contraintes en matière de responsabilité, elle veut surtout faire face aux deux autres freins majeurs qui empêchent l'organisation de voyages scolaires : leur financement et la valorisation du travail des professeurs organisateurs. "En Seine-Saint-Denis, c'est de plus en plus une exception de partir en classe verte, parce qu'une part du financement du voyage est à la charge de la municipalité. Dans le département le plus pauvre de France métropolitaine, forcément, les mairies sont en difficulté pour proposer des offres de séjour", constate Louise Paternoster.

"Aujourd'hui, les enseignants, lorsqu'ils organisent une classe de découverte, c'est un très long travail", rapporte également Émilie Bonnivard, citant la constitution du dossier administratif, mais aussi la recherche de financement, celle d'accompagnateurs et d'accompagnatrices, puis le temps consacré lors du voyage. "Sur place, c'est un travail 7/7 pour les enseignants et ce qu'il faut savoir c'est qu'ils n'ont aucune indemnité supplémentaire pour toutes ces heures supplémentaires. Donc cela a aussi découragé les enseignants", explique-t-elle.

Par conséquent, sa proposition de loi, déjà adoptée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, vise à créer un fonds national d’aide au départ en voyage scolaire pour les écoles primaires. Elle veut par ailleurs instaurer une prime pour les enseignants accompagnateurs des voyages scolaires. Inscrite pour la niche parlementaire des Républicains, cette proposition pourrait néanmoins ne pas avoir le temps d'être examinée à l'Assemblée nationale dans la journée. Pour sa niche parlementaire, ce jeudi 7 décembre, les Républicains ont surtout mis l'accent sur l'immigration. "Mais on la fera vivre dans d'autres niches. Elle a eu un vote en commission assez large, cela montre un consensus sur le sujet", espère néanmoins la députée. 


Aurélie LOEK

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