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Élections européennes : appliquer une "TVA verte", comme le propose Marie Toussaint, c'est possible ?

Publié le 23 avril 2024 à 20h12, mis à jour le 24 avril 2024 à 9h27

Source : JT 20h WE

Marie Toussaint était la première invitée de "Partie de campagne", ce dimanche au 20H de TF1.
Une interview au cours de laquelle la tête de liste des Écologistes aux Européennes a proposé de créer une "TVA verte".
Nous avons vérifié la légalité de cette mesure dans le cadre de notre partenariat avec les Surligneurs, un média de chercheurs spécialisés dans la lutte contre la désinformation juridique.

On le sait, la transition écologique a un prix, que les consommateurs ne peuvent pas toujours absorber. Alors pour rendre les produits écolos abordables, la tête de liste des écologistes souhaite les rendre plus compétitifs. Invitée du 20H de TF1 ce dimanche 21 avril, Marie Toussaint a proposé la création au niveau européen d'une "TVA verte". Une taxe qui serait réduite sur les produits les plus respectueux de l'environnement afin de faire baisser leur prix par rapport à la concurrence. Une mesure phare de la candidate du parti EELV que nous avons soumise aux Surligneurs. Tout au long de la campagne pour les élections européennes, nous ferons appel à ce collectif d'universitaires spécialisés dans le fact-checking juridique pour décrypter les propositions des différents candidats. 

La TVA décidée à Bruxelles... par les États membres

Commençons par se demander si Bruxelles a réellement son mot à dire sur la question. Auprès de TF1info, Vincent Couronne, docteur en droit public, confirme que cette taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relève bien de la compétence de l'Union européenne. Et ce depuis bien longtemps :  dès 1977, les États membres ont voulu fixer des seuils planchers afin de limiter la concurrence fiscale au sein du continent. Le texte prévoit que le taux normal de TVA ne peut être inférieur à 15%, ce qui signifie que tous les États membres doivent se plier à ce taux. En France, il est par exemple à 20%.  

On peut toutefois aller en deçà de ce pourcentage. Depuis la dernière révision de cette directive, qui remonte à 2006, deux taux réduits peuvent en effet être appliqués. Seuls certains produits et services répertoriés dans l'annexe 3 de la directive peuvent être concernés. La liste comprend par exemple des biens et des services de base, comme les boissons non alcoolisées et les produits pharmaceutiques, ou qui remplissent une fonction culturelle, comme les droits d'auteurs. On trouve également dans cette annexe 3 la possibilité de réduire la TVA "pour des activités vertueuses pour la société et pour l'environnement", comme les travaux de rénovation visant à l'amélioration énergétique, rappelle notre interlocuteur. On ne retrouve cependant pas dans cette annexe la possibilité de viser des produits bios, locaux, ou sans perturbateurs endocriniens. 

Si la liste est bien précise, elle "peut facilement être modifiée", note Vincent Couronne. Ainsi, le co-fondateur du collectif des Surligneurs souligne que de nouveaux produits apparaissent régulièrement dans cette liste. "Elle a été révisée à 31 reprises depuis 2006, et deux fois rien qu'en 2022." Un changement relativement facile... mais qui ne relève pas des compétences du Parlement européen. "Toute modification de cette directive est décidée par le Conseil de l'Union européenne, à l'unanimité", indique le docteur en droit public. "Ça n'a rien à voir avec les résultats du Parlement européen."

Cela ne signifie pas pour autant que les équilibres politiques ne peuvent pas influencer le Conseil. Grâce à son droit d'initiative indirecte, le Parlement européen peut demander à la Commission européenne de soumettre un projet au Conseil de l'Union européenne, sans l'imposer. Reste que, même en imaginant que le Conseil de l'UE, sur impulsion du Parlement européen, décide d'ajouter les produits bio à cette liste, il ne s'agirait alors que d'une directive. Il appartiendrait ensuite aux États membres de choisir s'ils souhaitent ou non mettre en place ces taux réduits au niveau national.

Mettre en place un taux réduit appartient aux États membres
Vincent Couronne, docteur en droit public et co-fondateur des Surligneurs

En résumé, ce que propose Marie Toussaint est possible. Mais d'une part, cette mesure existe déjà pour certains produits et services. Et de l'autre, elle ne relève pas d'une décision du seul Parlement européen, mais du Conseil de l'Union européenne, à laquelle les États membres ne sont pas obligés de se soumettre. 

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Felicia SIDERIS

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